En Iran, la révolution se fait aussi autour d’une boisson chaude. Cigarette aux lèvres et cheveux lâchés sous sa casquette, Atafeh y participe à sa manière. Ce jour de mars 2023, elle se rend dans ce café de Tabriz – la quatrième plus grande ville du pays – avec son petit copain et son chat. Le photographe Farshid Tighehsaz dégaine son iPhone pour capturer cet instant de quiétude, loin du tumulte qui secoue le pays. Cette scène, d’apparence ordinaire, témoigne du bouleversement en cours dans la société iranienne. Les jeunes se réunissent dans des cafés pour refaire le monde, à l’abri des regards moralisateurs. Mais, ces espaces de liberté confinée ferment les uns après les autres. Comme tant d’autres, cet établissement a été contraint de mettre la clé sous la porte. « Décision de la police civile », explique Farshid Tighehsaz.
Depuis dix ans, l’Iranien documente « la vie sous régime théocratique », avec son lot de tourments : « Les peurs, la dépression et la solitude. » Cet automne, nous le récompensions du Prix 6Mois du photojournalisme pour son projet « Labyrinth », sur la jeunesse de son pays. Ce week-end, son travail était projeté au festival de la photographie documentaire ImageSingulières, à Sète – et devrait l’être de nouveau courant juin. Gilles Favier, directeur artistique de l’événement, explique cette mise à l’honneur : « L'avènement du numérique a signé l’arrêt de mort d’une certaine forme de photojournalisme dans lequel l’Occident donnait sa vision du monde. Dorénavant, les images nous arrivent en temps réel des coins les plus reculés de la planète. Et Farshid, en chroniquant avec talent le quotidien d’une jeunesse iranienne, participe de ce mouvement. »