Les fissures du Kurdistan turc

Photo par Emin Özmen Écrit par Rémi Bayol
Les fissures du Kurdistan turc
Publié le 27 février 2023

Dévastation. Le mot n’est pas assez fort pour décrire la situation dans laquelle se trouvent les régions du sud-est de la Turquie et du nord de la Syrie, trois semaines après avoir été frappées par un séisme cataclysmique. Côté turc, au moins 50 000 personnes ont été tuées par les effondrements d’immeubles. Bien que provisoire, ce bilan est déjà dix fois plus élevé que dans la Syrie voisine. L’épicentre de cette catastrophe se situe en effet à la frontière des deux États méditerranéens. Dans cette région qui concentre des populations kurdes, les ravages du séisme le plus meurtrier depuis 1939 – qui avait fait 33 000 victimes – se sont ajoutés aux dégâts de la guerre. Depuis 2015, des séparatistes kurdes, qui souhaitent la création d’un État autonome, affrontent les soldats de l’armée turque.

Pendant plusieurs années, Emin Özmen, photoreporter stambouliote membre de l’agence Magnum, a documenté cette guerre et ses conséquences sur les populations civiles. Entre 2015 et 2016, plusieurs insurrections urbaines orchestrées par les soldats du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) sont réprimées par l’armée, à coup de frappes aériennes. Les affrontements poussent entre 3 et 4 millions de personnes à fuir la région. Cette photographie a été prise à Diyarbakir, en 2017. Dans cette ville que les Kurdes de Turquie considèrent comme leur capitale, le centre historique a été en partie détruit par les combats. Quand le photographe s’y rend en 2017, les points de contrôles policiers sont partout et des hélicoptères de l’armée turque quadrillent le ciel.

Depuis, la gestion administrative de cette ville est un champ de bataille. En 2019, les co-maires élus par les habitants sont démis de leur fonction par les autorités du pays. Diyarbakir est alors placée sous le contrôle d’un administrateur d’État, à la botte du pouvoir central. Sur place, les associations de la société civile organisent elles-mêmes les travaux de secours, face à l’inaction des autorités locales. Pris au piège de la guerre, les habitants de Diyarbakir subissent désormais le courroux de la nature et la négligence de leurs dirigeants. Cette colère n’est d’ailleurs pas réservée aux Kurdes. Depuis trois semaines, les critiques fusent contre le manque d’anticipation de ce risque naturel de la part du gouvernement d’Ankara. Reste à savoir si le président Recep Tayyip Erdogan, qui brigue un troisième mandat, sera sanctionné par les urnes.

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