La Turquie en force

Photo par Mathias Depardon Écrit par Rémi Bayol
En ligne le 29 mai 2023
La Turquie en force

Les drapeaux étaient de sortie ce 28 mai 2023. Dans les rues en liesse, les tissus écarlates barrés d’un croissant de lune et d’une étoile à cinq branches ont fleuri par milliers, des côtes de la mer Noire au nord, jusqu’aux plages méditerranéennes du sud. Après des mois de campagne présidentielle et deux semaines de tensions entourant l’issue de ce scrutin serré, la Turquie a son vainqueur, Recep Tayyip Erdoğan, il entame son troisième mandat. Son nom pourrait être « nationalisme », tant cette question a obsédé le débat.

Ces derniers jours, le président sortant Recep Tayyip Erdoğan et son opposant de gauche, Kemal Kiliçdaroglu, ont donné dans la surenchère xénophobe contre les 4 millions de réfugiés syriens qui se sont exilés de ce côté de la frontière.

Depuis son élection à la tête du pays en 2014, Erdoğan cultive son roman national. Ce discours conservateur et mythologique, exaltant la grandeur de ce pays né il y a cent ans sur les cendres de l’Empire ottoman, séduit notamment les régions rurales et laborieuses bordées par la mer Noire.

Mathias Depardon y a fait une halte, quand, entre 2012 et 2017, il a parcouru la Turquie pour capturer cette évolution sous l’influence de son « Reïs » (chef, en turc). « J’ai eu envie d’un sujet au long cours sur ce pays tiraillé entre sa modernisation rapide et sa nostalgie ottomane », racontait-il dans nos pages. Erdoğan a fait de cette région côtière, dont il est originaire, le fief de son Parti de la justice et du développement (AKP). Le photographe a assisté au festival de Kirkpinar, près d’Edirne, au cours duquel de jeunes Turcs, le corps enduit d’huile et vêtu d’une culotte en peau de buffle, s’affrontent lors d’un tournoi de lutte. Une compétition sportive organisée chaque année depuis 1346 et le début de l’Empire ottoman, considérée comme l’une des plus anciennes au monde.