Un paysage haut en couleur, flamboyant. Sous un ciel lourd chargé de nuages au gris bleu plombé que ne renieraient pas les romantiques allemands, l’herbe a pris des teintes étrangement orangées, profondes. Les arbres rougeoient, une imposante colonne de fumée s’élève au fond, et quelques bovins, comme indifférents aux mutations du paysage, broutent. Ce tableau nous fascine autant qu’il nous effraie. Comme s’il hésitait entre un hyperréalisme exacerbé et une vision impossible.
C’est en utilisant une pellicule particulière que le photographe Maxime Riché a pu réaliser cette vue surnaturelle. Ce film sensible à la lumière dans le proche infrarouge, au-delà donc du spectre visible par notre œil, révèle davantage des surfaces et des objets photographiés que ce que nous pouvons en percevoir. Il a entre autres la particularité de transformer le vert en rouge.
Incendies meurtriers
Il ne s’agit pourtant pas ici d’un effet pictorialiste, mais de l’appropriation pertinente d’une technique pour mieux saisir une situation et un sujet donnés. Ingénieur de formation, né en 1982, Maxime Riché s’est toujours préoccupé de l’environnement et de l’analyse des causes profondes des catastrophes naturelles qui se multiplient.
Ce cliché a été pris près de Paradise le 17 juillet 2021 au cours d’un incendie catastrophique baptisé Dixie Fire. La petite ville américaine avait déjà été détruite lors du mégafeu Camp Fire en novembre 2018, le plus meurtrier qu’ait connu l’État de Californie : 86 habitants y ont perdu la vie et 18 000 bâtiments ont été détruits. Et un autre incendie, consécutif à un orage, a eu lieu au même endroit en 2020.

Avec le réchauffement climatique, les feux dévastateurs deviennent la norme en Californie. Les plus récents, spectaculaires, ont eu lieu en janvier 2025 à Los Angeles. Ils ont fait 24 morts et des dizaines de blessés, ils ont détruit plus de 2 000 bâtiments, dont de très nombreuses maisons de célébrités, réduit en cendres des milliers d’œuvres d’art et entraîné l’évacuation de 130 000 personnes. Le coût des dommages s’élèverait à 10 milliards de dollars.
Maxime Riché s’est rendu sur place un an après le premier mégafeu, pour documenter la situation par des portraits et des témoignages écrits. Pour aller plus loin, il a voulu donner à percevoir ce qui n’est pas visible immédiatement. Ses photographies à l’infrarouge évoquent évidemment le feu lui-même, son attraction et l’effroi qu’il provoque, ainsi que les souvenirs des personnes qui ont vécu ce drame. Ce sont des images de ce type, rassemblées dans un livre publié par André Frère Éditions, qui hantent toujours les nuits des habitants de Paradise.
Crédit photo : Maxime Riché