Trump, l’homme qui ne sourit plus

Photo par Daniel Torok Écrit par Christian Caujolle
En ligne le 05 mars 2025
Trump, l’homme qui ne sourit plus
Le portrait officiel du président américain tranche avec celui de son précédent mandat. Inspiré de sa photo d’identité judiciaire, il se veut un défi au monde entier. Décryptage par Christian Caujolle, fondateur de l’agence VU’.
Le portrait officiel du président américain tranche avec celui de son précédent mandat. Inspiré de sa photo d’identité judiciaire, il se veut un défi au monde entier. Décryptage par Christian Caujolle, fondateur de l’agence VU’.

Dès le début de son mandat, la couleur était annoncée. Le nouveau portrait officiel de Donald Trump fait jaser. Il est fait pour cela. Lorsque Daniel Torok, photographe attitré du président élu, l’a rendu public le 15 janvier 2025 – d’abord en noir et blanc, puis en couleurs quelques heures plus tard –, les commentateurs, un peu partout dans le monde, ont souligné ses similitudes avec la photo d’identité judiciaire (mug shot) prise en août 2023 lorsque le candidat républicain avait dû se rendre aux autorités de l’État de Géorgie. Il était alors soupçonné de manœuvres « criminelles » visant à inverser le résultat des élections de 2020 et avait été libéré sous caution. Ce mug shot, dont il est le seul président à avoir dû subir l’humiliation, a permis à Donald Trump de se présenter en victime et d’en tirer profit – l’image a été réutilisée pour son merchandising de campagne.

Comme un méchant de jeu vidéo

La comparaison avec son portrait officiel est juste. Dans les deux cas, Donald Trump, visage figé, expression dure, fixe le photographe avec un regard par en dessous, agressif. Mais le portrait officiel, pour lequel le nouveau président pose sur fond de bannière étoilée, est cadré plus serré, et éclairé en contre-plongée. Une pratique très inhabituelle pour ce type de photo, qui confère au visage une expression plus dure. L’aspect très lisse, visiblement effet d’une retouche, accentue l’impression de personnage artificiel : nous pourrions être dans un jeu vidéo produit au moyen de l’IA dans lequel l’homme jouerait le rôle du méchant.

Par ce choix, Trump rompt radicalement avec une série qui, depuis le portrait du second mandat de Barack Obama en 2012, montre systématiquement le président élu arborant un large sourire, Trump y compris pour son premier mandat en 2016.

Le portrait officiel, outil de propagande

Dans ce pays qui fut le premier à ouvrir – au Musée d’art moderne de New York en 1940 – un département de photographie, la reconnaissant ainsi comme un art à part entière, il fallut étonnamment attendre 2008 et l’élection du premier président métis des États-Unis pour que la photographie supplante la peinture pour le portrait officiel.

Nous sommes bien loin de la tradition française, qui rompit très tôt avec les portraits peints des monarques : dès 1870, Adolphe Thiers, premier président de la IIIe République, confia à un photographe la réalisation de son portrait. S’en suivit une longue série, dont la diversité reflète en un sens l’intention politique de chaque nouvel élu à la fonction suprême. Mais, des deux côtés de l’Atlantique, le portrait officiel est un outil de communication, voire de propagande, parmi d’autres. En 2023, l’inculpé Donald Trump défiait la police de Géorgie. Aujourd’hui, en conservant les mêmes codes visuels, il défie officiellement le monde entier.