La photographe américaine Darcy Padilla a chroniqué durant dix-huit ans la vie de cette femme, jusqu’à sa mort. «J’ai rencontré Julie Baird le 28 février 1993, expliquait-elle dans nos pages. Elle avait 19 ans. Assise, elle tenait dans ses bras son premier enfant, de huit jours à peine. Julie était sans le sou, malade du sida et droguée. Elle avait quitté sa famille à 14 ans. Devenue “accro”, elle avait vécu d’expédients dans la rue en se “collant” à plus d’hommes qu’elle ne pouvait s’en souvenir. Julie est morte le 26 septembre 2010. Je lui ai juré de raconter son histoire.»
Quand Darcy Padilla prend ses premières photos en 1993, Julie Baird erre avec son fils, de chambres insalubres en hôtels sordides. À tout juste 20 ans, Julie Baird a déjà plusieurs années d’alcoolisme et d’addiction aux amphétamines derrière elle. En 2005, Darcy Padilla tombe sur un avis de recherche, sur Internet : «Si vous êtes Julie Baird, née le 10 août 1973 à Anchorage, Alaska, appelez-moi, je vous cherche…» La photographe téléphone : «C’était le père de Julie. Il vit en Alaska. Julie l’y retrouve. À peine arrivée, elle tombe malade. Le sida. Elle n’ose rien dire à son père. Bill est heureux d’avoir retrouvé sa fille. Il l’aime. Droguée ou pas, malade ou pas.»
La photographe s’attache au personnage, comme elle l’a fait en suivant Julie Baird au fil des ans : «Je l’ai tout de suite aimé, c’est un homme bon. À la disparition de Julie, son premier enfant, il s’est fait tatouer son prénom sur le bras. Bill vient tous les jours voir sa fille. Il l’emmène pour de grandes promenades en voiture, lui montre les aigles, les glaciers, les lacs, la vie sauvage. Par bonté ou par candeur, il fait comme s’il était possible de tout recommencer à zéro.»