Partout à Riyad, de l’hôtel Ritz Carlton dans l’ombre du Palais royal, à la fameuse tour Kingdom, jusque dans les cafés du centre des affaires en construction, il a fallu attendre. En espérant que chaque rendez-vous ne soit pas annulé à la dernière minute. Les langues se sont parfois déliées tard le soir, ou au milieu de la nuit autour d’un narguilé, voire dans le salon d’un hôtel.
Depuis l’affaire Khashoggi, en 2018, les officiels saoudiens nourrissent une peur panique des journalistes. L’élite locale est de manière générale peu encline à être questionnée, et tout à fait indifférente à la France. Elle considère la presse, qui arrive dans les bagages des grandes entreprises anglo-saxonnes, tout au plus comme un levier de communication à activer lorsqu’une personnalité officielle veut s’exprimer. Nouer des relations avec les dignitaires du pays, quand on est journaliste, n’est cependant pas impossible. Mais ça demande de la patience, beaucoup de patience.
Domaine réservé
À Riyad, Paris, Dubaï ou Doha et précédemment à Tunis, Beyrouth et Rabat, j’ai rencontré une quarantaine de personnes pour discuter du Public Investment Fund (PIF). Tous mes interlocuteurs ont demandé à parler sous couvert d’anonymat, ce qui témoigne du fait que le fond souverain fait partie du domaine réservé.
Je me suis engagé à ne mentionner aucune négociation en cours ni document consulté. Je suis également resté vague sur certaines anecdotes pour protéger les témoins. « Lisez ça, vous comprendrez pourquoi les gens ont peur de parler », m’ont écrit plusieurs de mes interlocuteurs qui m’ont fait suivre, après s’être un peu trop épanchés, des articles à propos des menaces de peine de prison que le pouvoir saoudien a envoyées récemment aux consultants occidentaux.