D’un geste plein de fougue, une paroissienne entraîne la foule par sa prière chantée dans l’église de Fresnay-sur-Sarthe, en région Pays-de-la-Loire. En ce 8 mai 2022, c’est ici que se tient la commémoration de la capitulation allemande de 1945 et de la fin de la Seconde guerre mondiale, fête nationale. Une centaine d’habitants et de fidèles s’y sont rassemblés.
« Il est assez commun dans les petits villages de célébrer les fêtes républicaines au sein des églises, c’est fédérateur. C’est une tradition qui existe depuis de nombreuses années et souvent à la demande des Anciens Combattants, qui sont pour la plupart de confession chrétienne », explique le photographe Nicolas Krief qui a assisté à la scène. Cet ancien Parisien, installé en région sarthoise en 2003, documente en photos depuis vingt ans les moments de sociabilité et les commémorations de sa région pour « faire découvrir les manifestations de l’autorité en milieu rural ». Ce travail débuté en dilettante est rapidement devenu un sujet au long cours, jusqu’à être sélectionné pour la Grande Commande photojournalisme de la Bibliothèque nationale de France (BNF) en 2021.
Au fond de l’église, une poignée d’Anciens Combattants ont baissé leur drapeau pendant le chant liturgique. « L’organisation de ces commémorations est chaque année un peu plus compliquée : les Anciens Combattants disparaissent peu à peu, les fanfares de village aussi, par manque de vocation », souligne Nicolas Krief.
Les commémorations, des repères
Fabienne Labrette-Ménager, la maire (LR) de la commune de 2 025 habitants, n’a pas la prérogative de prendre la parole, ni de porter l’écharpe tricolore dans l’église, en vertu de la loi de séparation des églises et de l’État de 1905. Après avoir assisté à la cérémonie sur les bancs de l’église, elle a prononcé l’hommage républicain devant le monument aux morts du village. Chaque année, un texte officiel est rédigé par le gouvernement pour le 8 mai puis lu par tous les maires de France.
Les commémorations en souvenir des soldats décédés pendant un conflit sont une spécificité française : en 1915, à la suite de la Première Guerre mondiale, le statut de « mort pour la France » est créé. Entre 1920 et 1925, 35 000 monuments aux morts sont érigés en mémoire des victimes militaires. Mais aujourd’hui, les cérémonies traditionnelles attirent de moins en moins de monde.
En fonction depuis 2014, Fabienne Labrette-Ménager faisait part de son inquiétude à Nicolas Krief en 2022, face à la progression du RN : « Il va falloir que les responsables nationaux nous écoutent, nous, élus locaux, et comprennent que tout ça est le résultat des déserts médicaux, de la disparition des services publics et du sentiment d’abandon des populations du territoire. Ces moments de commémoration constituent des repères pour une partie de la population rurale, la permanence d’un temps où socles républicains, patriotiques, et sociétaux semblent intangibles », commente le photographe, qui cette année encore n’a pas manqué les cérémonies du 8 mai dans sa région.