La colline aux 60 000 panneaux solaires

Écrit par Christian Caujolle
6 août 2025
collines chinoises couvertes de panneaux solaires
La Chine investit massivement dans l’énergie solaire et couvre son territoire d’installations photovoltaïques. Vues du ciel, certaines sont si massives qu’elles ressemblent à du land art. Christian Caujolle, fondateur de l’agence VU’, analyse cette photo spectaculaire.
La Chine investit massivement dans l’énergie solaire et couvre son territoire d’installations photovoltaïques. Vues du ciel, certaines sont si massives qu’elles ressemblent à du land art. Christian Caujolle, fondateur de l’agence VU’, analyse cette photo spectaculaire.

Vu de haut et en légère plongée, ce paysage de moyenne montagne évoque une maquette de géant. Des sortes de barrettes foncées tournant au mauve ont remplacé la majorité des arbres et laissent peu de place à la verdure. De quoi s’agit-il ? On pense spontanément à la proposition démesurée d’un architecte qui aurait décidé d’installer un ensemble de bâtiments tout en longueur, aux toits plats et sombres, qui couvriraient l’ensemble des collines en en épousant les formes. Mais aussi possiblement à une base secrète installée en pleine nature dans une région reculée, ou encore à un complexe industriel, en passant par le plus grand ensemble au monde d’élevage ou de culture sous serre…

À moins que ce ne soit une réalisation aux dimensions hors norme de land art – ce mouvement qui fit sortir l’art des galeries pour l’installer dans la nature et en transformer la perception. À la fin des années 1960, c’est aux États-Unis, dans de vastes espaces désertiques, que des artistes inventèrent ces installations hyper-visuelles, souvent éphémères, en utilisant les matériaux trouvés sur place qu’ils organisaient formellement. Le plus célèbre exemple reste la Spiral Jetty de Robert Smithson (1970), une longue forme de 457 m de long et de cinq mètres de large au bord du Grand Lac salé, aux États-Unis.

Gigantisme solaire

Nous sommes pourtant bien loin de tout projet artistique. Prise le 11 avril 2025 à Jinhua, dans la province chinoise du Zhejiang, par un photographe de l’agence nationale Xhinua, l’image représente une zone couverte de plus de 60 000 panneaux photovoltaïques. Elle aurait pu être prise dans bien d’autres régions de Chine. Car, si ce pays est le premier producteur de ces panneaux et est largement en tête du marché mondial avec 59 % selon l’Agence internationale de l’énergie, il est également, selon la même source, au premier rang pour l’électricité solaire : en 2023, la Chine représentait 35,6 % de la production mondiale.

Derrière ces chiffres, une stratégie, martelée par le pouvoir politique, de décarbonation – qui passe entre autres par la fermeture des centrales à charbon. Selon son Administration nationale de l’énergie, la Chine a ainsi installé en 2024 près de 277 gigawatts-crête (GWc, le watt-crête étant l’unité de mesure de la puissance maximale d’un panneau photovoltaïque) de nouvelles centrales solaires, contre 217 GWc en 2023, soit une hausse de 28 %. Le pays a construit cette année davantage de capacités en solaire que le reste du monde cumulé. 

Associé au gigantisme chinois, le développement des énergies renouvelables vient s’opposer à la préservation du paysage naturel. Cette photographie spectaculaire nous ramène à ce débat, qui se pose à différentes échelles à travers le monde.

Crédit photo : Cost Foto / Bestimage