

Stupeur et effacement







Les momies décapitées







Marlene Dietrich





La grande répression







L’histoire que nous conte Victor Mair, celle de ses recherches sur les momies du Xinjiang depuis les années 1990, puis des manipulations dont elles ont fait l’objet, laisse présager du drame que connaissent les Ouïghours actuellement. Pour le président chinois Xi Jinping, le Xinjiang a « toujours appartenu à la Chine », et il n’est pas concevable que cette région ait pu être la demeure d’« étrangers », même il y a trois mille ans : les peuples du Xinjiang « sont chinois », ou doivent le devenir. Aussi, Pékin met en œuvre à partir de 2014 un programme d’assimilation forcée, ciblant les habitants autochtones du Xinjiang, notamment les 11 millions de Ouïghours. L’objectif : détruire l’identité culturelle de cette population (histoire, langue, religion, coutumes, monuments), anéantir son élite et siniser à coups de trique ces turcophones musulmans qui, depuis l’arrivée au pouvoir en Chine en 1949 des troupes communistes, conservent obstinément leurs particularités.
« Sans la moindre pitié »
Dans un discours « interne », l’ultranationaliste Xi Jinping a ordonné à ses hommes de traiter les Ouïghours « sans la moindre pitié ». Ce projet est en partie mené sous couvert de lutte antiterroriste. Si des attentats antichinois ont bel et bien été perpétrés par des extrémistes locaux, c’est l’ensemble de la population ouïghoure qui est jetée dans la nasse des présumés coupables. L’incarcération de 1 million à 3 millions de personnes durant la phase la plus radicale du projet a été menée dans le plus grand secret.
Ce n’est qu’à l’été 2022 que l’ONU s’est décidée à publier un premier rapport accablant : ses auteurs concluent que Pékin a commis des actes « qui peuvent constituer des crimes contre l’humanité ». Ce rapport décrit des camps de taille colossale, se comptant par centaines. On y interdit de parler une autre langue que le chinois, on y inflige des tortures de toutes sortes, on y affame, on y lave les cerveaux à la chaîne, on y tue. À l’issue de ce grand tri, les « indociles » sont condamnés à mort ou à des peines de prison ridiculement longues. Entassés dans des « orphelinats », des ribambelles d’enfants doivent abandonner la langue de leurs parents. Les anciennes générations rétives à la sinisation, à commencer par l’intelligentsia, disparaissent, elles, dans les prisons : professeurs, ingénieurs, fonctionnaires, écrivains, musiciens et archéologues.
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