Dans l’Amérique puritaine des années 1960, cette réunion d’hommes travestis en femmes était une infraction. À la ville, Susanna, Virginia, Lili, Fiona, Felicity ou Gloria étaient ingénieurs, pilotes de ligne ou fonctionnaires, mariés, avec des enfants, issus de la classe moyenne blanche états-unienne. Ils respectaient les codes dictés par la société de l’époque. Mais une fois réfugiés sous leur pseudonyme dans la Casa Susanna – le havre de verdure de Susanna et son épouse Marie, à quelques heures de route de New York –, ces photographes amateurs transgressaient les stéréotypes.
En 2004, deux antiquaires découvrent des centaines de leurs clichés dans un marché aux puces. Ils dévoilent un vaste réseau d’hommes travestis, qui diffusaient le fruit de leurs séances photos dans un journal : Transvestia. Par peur d’être dénoncés, la plupart de ces hors-la-loi développaient eux-mêmes leurs photos. « La joie et le bonheur présents dans les images démentent les réalités quotidiennes de leur vie », analyse Sophie Hackett, une des commissaires de l’exposition « Casa Susanna », présentée en cet été 2023 aux Rencontres de la photographie d’Arles.
Réalisées pour le plaisir, ces archives – aussi précieuses que clandestines – témoignent également du désir de garder une trace de la vie des minorités de genre dans l’Amérique de la Guerre froide.