« C’était en 2018, au Hilton College, pendant une compétition de natation. J’étais en train d’échanger avec des jeunes et je leur expliquais mon projet sur la question du racisme en Afrique du Sud. Ils me regardaient surpris, comme si je parlais du passé. Ils ne comprenaient vraiment pas pourquoi je m’y intéressais. Après nos échanges, je me suis un peu éloignée et j’ai pris une photo. »
Depuis plus de douze ans ans, Ilvy Njiokiktjien tisse le portrait de la première génération de Sud-Africains à grandir sans ségrégation ni restrictions économiques. C’est les jeunes nés dans la « nation arc-en-ciel », censée émerger sur les décombres de l’apartheid. « La route vers l’égalité est plus longue que prévu », affirme la photographe néerlandaise. « La fin de l’apartheid a donné les mêmes droits à tous les Sud-Africains, quelle que soit leur race, mais le pays lutte encore pour corriger les inégalités sociales créées par des décennies d’injustices : les Blancs sont payés en moyenne trois fois plus que les Noirs, ils habitent majoritairement près du centre, proches de l’activité économique, tandis que les Noirs vivent en banlieue. »
Mais Ilvy, dans son projet, met l’accent sur ceux qui font bouger les choses. Au Hilton College, la meilleure boarding school d’Afrique du Sud, il n’y avait pas d’élèves noirs jusqu’en 1981 et aujourd’hui près de la moitié des étudiants, ainsi qu’un quart des professeurs, sont issus des communautés noire, asiatique ou « Coloured ». Pas étonnant que les étudiants soient surpris quand on leur parle de racisme. Interviewé par Ilvy, un d’entre eux affirme que si les Noirs sont encore minoritaires en natation, c’est seulement pour une raison culturelle : « Au basket, c’est l’inverse. »
Des étudiants de Hilton à Zakithi et Wilmarie, un couple mixte qui défie les regards conservateurs dans les rues, jusqu’aux musiciens du South Africa National Youth Orchestra, Ilvy nous raconte les jeunes qui luttent pour un monde meilleur : « Je veux montrer au pays et au reste du monde qu’il existe cette génération de jeunes Sud-Africains dotés d’une volonté incroyable d’atteindre leurs objectifs, parfois même sans emploi, et qu’ils parviennent à faire des choses parce qu’ils font de gros efforts. Je veux parler d’eux parce que je crois qu’ils créeront un grand avenir pour l’Afrique du Sud. »