Cette photographie d’Hoda Afshar, sorte de Trois Grâces contemporaine, donne à voir trois femmes dont l’une tresse les cheveux de l’autre – motif central de l’image et du projet. En empruntant subtilement les chemins du mythologique, du symbolique et du poétique, la photographe iranienne porte un regard incisif sur la place des femmes en Iran. Née en 1983 à Téhéran et installée en Australie depuis 2007, Hoda Afshar a suivi en ligne, avec la plus grande attention et passion, le soulèvement féministe « Femme, Vie, Liberté » déclenché par la mise à mort de Mahsa Jina Amini. Cette jeune femme de 22 ans originaire du Kurdistan iranien est décédée trois jours après son arrestation à Téhéran par la police des mœurs, le 13 septembre 2022, pour avoir prétendument porté son hijab de manière « inappropriée ». En réponse, les réseaux sociaux s’embrasent de vidéos où se répètent les mêmes représentations dans l’espace public : des actes de défi comme la mise à feu de hijab ou le tressage de cheveux entre filles, des gestes à la fois violents et intimes. Cette photographie, extraite de la série In Turn réalisée en 2023, s’inscrit dans une conversation plus globale sur le rôle politique des cheveux féminins, où les sujets cherchent à réaffirmer leur autonomie et leur pouvoir d’agir.
Avec ce tressage, Hoda Afshar capture un moment de calme avant la tempête. En collaboration avec des femmes irano-australiennes – des amies et militantes qui, comme elle, ont suivi les manifestations depuis l’étranger –, la photographe réactive devant son objectif non pas les vidéos pixellisées des manifestantes, mais des gestes évocateurs porteurs de sens. Certaines images de la série montrent ces femmes vêtues de noir souvent de dos, dissimulant ainsi leur identité, se tressant mutuellement les cheveux, rappelant le rituel des combattantes kurdes avant de partir au combat. Si ici le tressage est synonyme de lutte, il incarne aussi les liens intergénérationnels, une transmission de sagesse ancestrale ou encore le passage à une nouvelle étape de la vie. La série In Turn ne se limite pas au symbolique ou au métaphysique : en créant ces images de solidarité et de résistance à l’oppression patriarcale, Hoda Afshar prend le risque de se voir refuser le retour dans son pays natal.