Que reste-t-il après la bataille ? Une fois les bâtiments soufflés par les bombes et les voitures réduites à l’état de carcasses ? En arpentant le décor sinistré de la région ukrainienne du Donbass à l’hiver 2023, Matthieu Chazal a trouvé sur son chemin des épaves de blindés et quelques chiens errants, seuls signes de vie restants. Les habitants, eux, ont déserté les villages il y a un an, quand leur région autour de la ville de Lyman a servi de théâtre d’affrontements entre l’armée ukrainienne et les forces russes. « C’est une zone libérée par les Ukrainiens, mais dévastée, témoigne le photographe. Beaucoup de clébards craintifs s’y baladent et les quelques habitants qui passent pour réparer l’église du coin en profitent pour les nourrir. »
Loin du déchaînement des bombes, Matthieu Chazal parcourt la ligne de front – souvent floue – pour photographier les « ruines encore fumantes » et les « squelettes de ponts » détruits par les Ukrainiens afin de ralentir la marche russe. Il s’évertue à raconter comment la banalité du quotidien s’immisce dans les interstices de la guerre. En marge des « tirs, des hommes en armes, des bâtiments ravagés », il témoigne de ce que les combats rendent anecdotique. « Un conflit, ce n’est jamais uniquement la fureur et le sang. C’est une population civile qui maintient une vie ordinaire. C’est l’école, le marché, l’église et le cimetière. »