En coulisses  |  Écosystèmes

Avec les damnés de la terre

« Les petites exploitations sont dans une situation catastrophique », se désole Pierre Faure. 
Dans les coulisses du récit Entre terre et père

« Du baratin. » Le regard bleu d’Éric Couppez se perd dans sa tasse à café. Dehors, le crachin trempe sa ferme de 50 hectares nichée sur la frontière belge. Au lendemain des annonces faites par Gabriel Attal le 1er février 2024, les ronds-points fument encore du lisier laissé par les agriculteurs. Pendant deux semaines, ils y ont déversé leur colère, leur souffrance, leurs inquiétudes. Puis la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) a appelé à cesser la mobilisation. « Pour rien ! Les mesures annoncées sont indexées sur la taille des exploitations ou les volumes. Ce sont des cadeaux aux gros, comme d’hab. »

Éric est un petit : un de ceux que représente Pierre Faure dans sa série « France Périphérique ». Depuis 2015, le photographe s’intéresse à la pauvreté. Loin des grandes villes « plutôt bien documentées », il prend son temps : un an ou plus par région pour rencontrer « les invisibles qui ne vivent plus de leur travail, à l’image des petits paysans ».

« Être avec les autres sur la départementale »

En 1970, la France comptait 1,6 million d’exploitations. Un nombre divisé par quatre pour une surface agricole qui ne bouge pas, selon le dernier recensement agricole effectué en 2020. Résultat : des exploitations plus grandes et « une situation catastrophique pour les petites, se désole Pierre Faure. Le céréalier de la Beauce qui a 400 hectares ne se porte pas forcément bien, mais tellement mieux que l’éleveur dont le tracteur n’est même pas en état de l’amener jusqu’aux blocages. »

Éric a volé quelques heures à sa ferme « pour être avec les autres sur la départementale », à cinq kilomètres de ses vaches. « Ils n’ont ni l’argent ni le temps de manifester. Et surtout ils n’y croient plus », analyse le photographe. « On est tout seuls », confirme Éric en tirant sur une énième cigarette. La politique, les syndicats : très peu pour lui. « Avant, j’étais à la FNSEA, mais le patron [Arnaud Rousseau, PDG du groupe Avril], c’est un géant, il ne vit pas la même réalité que moi. »

En dix ans, la France a perdu 100 000 agriculteurs. Même dans les campagnes, ils sont devenus ultra minoritaires. « Pour ceux d’en haut, c’est déjà trop. Ils font des centaines de bornes en camion pour aller chercher ailleurs des produits moins chers que les nôtres ! Il n’y a que l’argent qui compte. On peut bien disparaître. Ils s’en foutent de nous. »

En savoir plus sur Pierre Faure

« France périphérique », de Pierre Faure, fait partie de la Grande Commande de photojournalisme Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire, confiée à la BNF par le ministère de la Culture, en 2021. Pierre Faure est représenté par Hans Lucas. Son travail est à découvrir sur son site internet et son compte Instagram.

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