Je n’aurais jamais pensé qu'un rendez-vous au Conservatoire botanique national de Brest, à cinq minutes à vélo de chez moi, me conduirait jusqu’à l’île Maurice. Je m'intéressais au départ au fonctionnement de cette banque de graines et au rôle de cette institution dans la sauvegarde des espèces en voie d’extinction. Au détour de nos échanges, les biologistes m’ont parlé de leurs voyages à l’île Maurice au chevet de Hyophorbe amaricaulis. Le sort de ce palmier m’est apparu comme une fable. C’est un cas extrême : l’extinction d’une espèce, juste là, sous nos yeux, et les nombreux efforts pour tenter de l’éviter.
Je suis allée jusque dans l’océan Indien pour rencontrer un arbre, ce qui a beaucoup amusé le chauffeur de taxi à la sortie de l’aéroport. Il habitait Curepipe, la ville où se dresse ce palmier, sans jamais y avoir prêté attention. J’ai été voir le dernier Hyophorbe amaricaulis dès mon arrivée, avant de rencontrer le petit monde de la botanique à Maurice, dans différentes institutions. Le destin tragique du palmier raconte plus largement celle de l’île à la végétation luxuriante, ravagée en un temps record par l’appétit des colons.
La main qui détruit et la main qui sauve
J’ai grimpé les sentiers escarpés des dernières reliques de forêts tropicales de la zone et senti l’odeur des planches jaunies par le temps de l’Herbier de Maurice, où l’armoire consacrée aux palmiers fait deux fois la taille des autres. Au fil de mes rencontres, derrière l’histoire d’une plante, se sont dessinées aussi les rivalités entre celles et ceux qui espèrent la sauver.
L’histoire de Hyophorbe amaricaulis en dit finalement beaucoup sur nous, comme me l’a soufflé Marc Jeanson, alors directeur botanique du Jardin Majorelle à Marrakech, avant mon départ pour Maurice : « Ce palmier est emblématique de notre relation aveugle et malade au vivant : il y a d’un côté la main qui détruit et de l’autre la main qui sauve. »