Observe-t-on une augmentation de la consommation de drogues dans les communes rurales ?
Les usages de drogues et d’alcool en milieu rural ont toujours existé, mais la recherche s’y intéresse plus depuis quelques années. Les crises économiques qui touchent les petites communes et l’expérience de l’ennui sont des terreaux fertiles au développement d’addictions. Néanmoins, le phénomène reste moins visible que dans les grandes villes, puisqu’il est rare d’observer des regroupements publics d’usagers et de dealers dans les communes rurales. Cela s’explique notamment par le fait que les habitants se connaissent et qu’ils peuvent être reconnus par des personnes de leur entourage.
Comment expliquer que la consommation de drogues progresse, alors que, depuis les années 1990, les interpellations pour des infractions liées aux stupéfiants ont globalement augmenté ?
S’il y a de plus en plus d’arrestations et de saisies de drogues, c’est parce que leur usage se démocratise. L’offre est liée à la demande. Or les études disponibles démontrent que la réponse pénale n’a pas d’incidence sur la baisse de la consommation. Plusieurs facteurs l’expliquent. La peur de la sanction pénale n’a par exemple pas d’effet sur les personnes qui consomment du cannabis à visée thérapeutique. On sait aussi que les trafiquants de drogues s’adaptent constamment pour contourner la loi. Enfin, avec une politique répressive, la consommation de drogues reste un sujet tabou dans la société. Dès lors, il est encore plus difficile de faire de la prévention.
Y a-t-il un État qui a réussi à réduire ce phénomène, dont la France pourrait s’inspirer ?
En Islande, le niveau de consommation d’alcool, de cannabis et de tabac par les jeunes était l’un des plus élevés d’Europe. Le gouvernement a mis en place une politique d’accès au sport et aux activités culturelles afin d’améliorer la qualité de vie des jeunes Islandais et de réduire leur consommation. Une autre piste intéressante est celle de la légalisation du cannabis, avec un encadrement strict, comme au Canada.
Une société sans drogues est-elle une utopie ?
Je le pense. Les drogues ont une fonction sociale. À mon sens, elles offrent des expériences psychoactives et aident certains à mieux maîtriser leur anxiété. Il est essentiel que les gouvernements mettent en place des mesures de réduction des risques. Cela permet à ceux qui veulent consommer d’être libres de le faire, tout en étant informés des dangers et des moyens de les réduire. Pour le cannabis, cela peut passer par une régulation du marché, pour que les usagers puissent mieux contrôler la composition de ce qu’ils consomment. Pour l’héroïne, on peut imaginer de faciliter l’accès à des seringues stériles ou la possibilité pour les usagers de faire tester le produit.