XXI vous emmène à la rencontre de vos voisins. Jamais nous n’avons passé autant de jours, de mois, dans un périmètre si étroit. Les confinements, le télétravail ont redéfini nos horizons. Des inconnus sont devenus des amis. Ils n’étaient qu’un nom sur une boîte aux lettres, une silhouette au supermarché. Nous avons engagé la conversation. La silhouette a pris chair, le bruit est devenu parole. L’avantage avec cette promiscuité inattendue, c’est qu’elle permet tous les fantasmes. Et si je ne vivais pas ici, mais chez eux ?
En Normandie, des handicapés reçoivent en stage les lycéens d’en face. À la blanchisserie, au restaurant, on parle foot et Playstation. À Paris, Suzanne Privat s’est aperçue que ses enfants fréquentaient la même école que ceux d’un mouvement catholique unique, radical mais pas reclus, en plein cœur du 20ᵉ arrondissement. Ou quand « l’infra-ordinaire », cher à Georges Perec, percute « l’extra-ordinaire ». Emmanuel Carrère est parti chez nos voisins belges. Il raconte dix amis qui partagent leur argent, comme si la haie était tombée, les gardénias enjambés. Ce qui est à toi est à moi. Au Venezuela, une jeune photographe ferme les maisons de ses proches, partis pour l’étranger. L’avenir en forme de question : quand il n’y a plus de voisins, que reste-t-il ?