Revue XXI n°51

Femmes, le travail à corps perdu

Soignantes, aides à domicile, caissières, enseignantes... Ce qui fait tenir la société, ce sont d'abord les femmes. Mais le travail n'est pas toujours une source d'émancipation. Enquête sur celles qui font tourner le monde, à s'en détruire la santé.
Été 2020
Femmes, le travail à corps perdu

Nous étions plusieurs milliards, assignés à résidence. Pour sortir, il fallait cocher des cases. En France, la bouffée d’air se limitait aux motifs « indispensables » ou « impérieux ». Une partie du monde, une partie de nous, se figeait, la pensée aussi. Comment mettre des mots sur l’inimaginable ? Impérieux. Le dictionnaire dit : « Auquel on ne peut résister. Irrésistible, pressant ». Mais c’est quoi des « motifs familiaux impérieux » ? L’envie de serrer l’amour dans ses bras ? D’aider des parents âgés ? Et si on les contaminait ? La peur nous a gagnés, impérieuse aussi. Ne sont restés que les désirs emmurés.

Et XXI, avec les librairies fermées ? On a douté, puis on s’est raccroché aux histoires que l’on aime raconter, aux fragilités du réel, aux gens, de Dakar à Mulhouse, au plus près. À Rouen, les habitants, traumatisés par l’incendie de l’usine chimique Lubrizol, ont revécu les mêmes dilemmes : fuir ? Porter un masque ? Dans les champs, les réfugiés ont continué à ramasser nos asperges pour quelques radis tandis que depuis New Delhi des colonnes de pauvres marchaient vers les villages, matraqués par la police, préférant avoir faim chez eux que sur les trottoirs de la mégapole confinée. Impérieux dérive aussi d’impérial. Mais l’empire s’est révélé aux pieds d’argile. Une partie du monde se figeait, une autre continuait à vivre et à mourir, étonnée de voir les pays riches si perdus.

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Indépendante, sans publicité, elle propose à ses lectrices et lecteurs
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