Vous ne connaissez pas son visage, ni même son nom. La pédiatre Amani Ballour soigne des blessés toujours plus nombreux, dont des dizaines d’enfants, sous un déluge de feu, aux portes de Damas. Elle dit « n’avoir jamais vu ça » en sept ans de guerre. La clinique qu’elle dirige a été bombardée, tout comme douze autres centres de soin de la Ghouta, une banlieue transformée en champ de mort.
Vous ne connaissez pas davantage tous les autres médecins pris dans le piège syrien. Comme Hamza Hassan qui avoue : « Nous sommes si fatigués. » Ou Abou Ahed qui, sur WhatsApp, témoigne malgré les explosions, une toutes les trente secondes : « Vous entendez ? », demande-t-il à une communauté internationale frappée de surdité.
Ils sont encore 107 à tenter de sauver des vies humaines. 107 praticiens pour une population de 400 000 habitants. Ils opèrent sans anesthésie, sans eau potable, sans électricité. Faute de moyens, ils utilisent des seringues usagées, des antibiotiques périmés parfois depuis deux ou trois ans, et savent qu’ils peuvent périr à chaque instant. Le pouvoir syrien et son allié russe ciblent systématiquement les hôpitaux et leur personnel, en violation des conventions de Genève.
Quand ces lignes paraîtront, les médecins de la Ghouta seront probablement oubliés. Morts, arrêtés, ou condamnés à l’exil, comme leurs confrères qui exerçaient seize mois plus tôt dans la ville assiégée d’Alep. Ils ne recevront pas de médaille.
Aucun prix Nobel de la paix ne leur est destiné. Ce sont des héros malgré eux, des héros à jamais anonymes. En ces temps incertains, le public préfère les super-héros. Les Captain America, Batman, Hulk ou Thor envahissent les écrans et font gagner des fortunes à Hollywood. Avengers, produit par Disney en 2012, a rapporté 1,5 milliard de dollars de recettes. C’est le troisième plus grand succès de l’histoire du cinéma. Il pourrait être dépassé par Black Panther, autre film inspiré des comics Marvel, qui vient de sortir.
