Les ultraorthodoxes ont renforcé leur emprise. En 1990, un Israélien sur vingt appartenait à cette communauté qui rejette le monde moderne. Aujourd’hui, c’est un sur dix, et cette proportion ne cesse de croître puisque le nombre d’enfants par femme y est en moyenne de sept. Ils exercent une influence grandissante sur le gouvernement. L’armée a consolidé son pouvoir. Tsahal, qui détient le record mondial en dépenses d’armements par habitant, a toujours occupé une place centrale en Israël. Son rôle est devenu prépondérant pendant les Intifadas et, ces dernières années, les religieux ont accentué leur influence – au point que l’état-major s’en inquiète. Les classes moyennes, elles, font tout pour échapper au service militaire – de deux ans pour les filles, trois ans pour les garçons.
Les colons sont en passe de gagner leur combat. Déployée dans les territoires occupés, l’armée côtoie en permanence les Israéliens implantés en terre palestinienne et s’imprègne de leur état d’esprit. L’alliance est devenue banale aux yeux de la société. Plus d’un demi-million d’Israéliens – sur huit millions – sont installés là où ils ne devraient pas l’être, avec le soutien de l’armée, et ont réussi à faire admettre qu’ils étaient indélogeables.
Les ultrareligieux ont raison contre tous, l’armée israélienne a raison contre tous, les colons ont raison contre tous. À la fois concurrents et alliés sur l’essentiel, ces trois piliers de la société sont en passe de prendre le contrôle du pays. Oded Balilty photographie depuis des années les haredim, les « craignant-Dieu » en hébreu. Ses images, comme des tableaux du passé, nous dévoilent un monde totalement fermé, replié sur la tradition. Rachel Papo a donné deux années de sa vie à Israël en faisant son service. Quelques années plus tard, elle, a réalisé un travail photographique auprès des filles dans l’armée. « Tsahal fait partie de notre biographie », explique sa nièce. Pietro Masturzo a partagé pendant des mois le quotidien d’une famille dans une colonie illégale. Le père, très religieux sous ses allures de hippie, se dit apolitique. Pourtant, il vit son rêve bucolique grâce à l’occupation de l’armée. Et avec sept enfants, il contribue à l’expansion démographique des ultrareligieux