Des histoires d’images. Il y a celles que les appareils de surveillance prennent à notre insu. Au supermarché, au feu rouge, sur notre palier. Avec 420 millions de caméras, la Chine a poussé l’idéal sécuritaire à son paroxysme. On nous promettait des villes intelligentes ; au Xinjiang, on obtient des camps de rééducation. Hikvision, l’entreprise qui fournit 145 villes de France en matériel de surveillance, participe à la répression des musulmans ouïghours. De ces femmes et de ces hommes ne reste qu’une multitude d’images manquantes.
Parfois, une image se détache, singulière. Elle devient symbole, s’invite dans les livres d’histoire. En Afghanistan, un taliban en turban aurait dû rester dans l’anonymat de son village. C’était compter sans ses yeux verts sur ciel bleu, son lance-roquettes et le réflexe d’une photographe française, qui l’immortalisa. Quarante ans de guerre dans un regard. On peut tout faire dire à des photographies, y compris la vérité. Réduites à des pixels, elles nous tracent. Le disque dur global enfle, notre mémoire va exploser. « Je veux bien être transformé en papier », dit l’écrivain Jean-Marie Gustave Le Clézio. Les histoires de XXI aussi.