À une époque où l’ivresse technologique va jusqu’à assurer que l’avenir est écrit, que demain n’est plus à imaginer car programmé, qu’après-demain est déjà hier tant le temps est voué à l’accélération perpétuelle ; dans ce monde fasciné par les mutants, les robots, les hommes bioniques, la « vie vivante », pour reprendre la belle expression de Jean-Claude Guillebaud, n’aurait plus sa place...
La belle affaire ! Les prophètes prophétisent, c’est leur raison d’être. Ils nous montrent la Lune et, bercés par leur parole, nous regardons le doigt. En oubliant ce qu’Étienne de La Boétie sut si bien saisir au XVIᵉ siècle : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »
La « vie vivante », elle, s’écrit loin, très loin des nouvelles servitudes. Fragile, incertaine, périlleuse, elle ne se paie pas de mots mais exige, pour se perpétuer au jour le jour, courage, détermination, conviction, ardeur, simplicité et sens du vivre en société. Juste pour se perpétuer.
Tel est le propre de l’humanité. Êtres finis, nous savons le nombre de jours vécus, mais ignorons le nombre de ceux qu’il nous reste à vivre. Ce mystère est au cœur de notre force. C’est lui qui nous oblige à des rebonds, à des reconstructions, à sans cesse nous réinventer. Il nous apprend que rien n’est jamais acquis, jamais écrit d’avance.
Il est un beau mot, celui de « lumière ». De ce mot découle une jolie expression, « les êtres lumineux ». Ils existent et vivent dans l’ombre, ce n’est pas un paradoxe. Détestant les artifices, ils se refusent à capter les spots d’une scène devenue planétaire. Il faut apprendre à les voir.
Ces « êtres lumineux » sont les vrais éclaireurs de l’avenir. Ils sont nombreux, des centaines de milliers. Ils sont la belle face de l’humanité. Les « éclaireurs » sont nombreux et partout. Éparpillés à travers le monde, ils ne cessent de se croiser et de se séparer en répandant derrière eux de petites étincelles, qui transforment et bouleversent les destins. Ils ne sont ni grands, ni prophètes, ni exceptionnels. Ils ne sont que « vie vivante », là est toute leur force.