Le rêve soviétique incarné par « la faucille et le marteau » a bel et bien cédé la place à un nouveau rêve russe, celui du « dollar et du marteau ». Comme tous les songes, celui-ci est dangereux. S’il fallait le caractériser, il pourrait tenir en une formule : le « national-capitalisme ».
National, car l’actuelle renaissance russe mêle le mythe traditionnel de la Rodina, la mère patrie, à la soif de revanche sur les humiliations – réelles ou imaginaires – subies avec la chute de l’Empire rouge. Son moteur est la jeunesse. Une jeunesse broyée par la guerre en Tchétchénie, où elle fut envoyée au casse-pipe contre les tchorny, les « peaux noires » du Caucase, et qui forme le socle des brigades poutiniennes appelées les nachy, les « nôtres ».
Capitalisme, car le contrôle des principaux leviers de ce qui fut l’économie soviétique est tout entier passé aux mains du seul clan du Kremlin. Gaz, pétrole, nucléaire, médias, matières premières, armement, manufactures, banques, commerce, industries : pas un secteur qui ne soit tenu par l’un de ces « hommes en épaulettes » placé à un poste-clé et le plus souvent issu du vivier des « structures de force » de Saint-Pétersbourg.
Telle est la nature du « national-capitalisme » russe en voie de maturité. Sur fond de « verticale du pouvoir » reconstituée, percent violence, agressivité, personnalisation de l’autorité, volonté de confrontation, désir de revanche et culte de la force.
Au pays des échecs, il est un mot omniprésent, celui de varyant. Le « national-capitalisme » russe pourrait s’avérer être une variante de ce que fut, pour le XXᵉ siècle, le « national-socialisme ».