Chez Salehe Bembury, roi des sneakers

Photos par Francesca Forquet Un récit photo de Cécile Cazenave
En ligne le 29 septembre 2024
Chez Salehe Bembury, roi des sneakers
Dessiner des baskets peut mener au star-system, comme l’illustre le parcours du New-Yorkais Salehe Bembury. La photographe Francesca Forquet l’a rencontré dans son atelier de Los Angeles en 2023, un lieu à l’image de son effervescence créative.
Un récit photo en lien avec l’article Sur la trace des fausses baskets
Dessiner des baskets peut mener au star-system, comme l’illustre le parcours du New-Yorkais Salehe Bembury. La photographe Francesca Forquet l’a rencontré dans son atelier de Los Angeles en 2023, un lieu à l’image de son effervescence créative.
Un récit photo en lien avec l’article Sur la trace des fausses baskets
Comment devient-on une célébrité mondiale en dessinant des chaussures de sport ? Le parcours de Salehe Bembury, 38 ans, créateur de sneakers, répond à lui seul à cette question. Le designer de Los Angeles, dont les grands quotidiens américains, comme le Wall Street Journal, font aujourd’hui le portrait, est suivi par plus de 800 000 personnes sur Instagram. Le récit de sa jeune carrière rassemble tous les ingrédients d’une success story à l’américaine : un jeune homme lambda devenu une icône du monde de la mode.
Comment devient-on une célébrité mondiale en dessinant des chaussures de sport ? Le parcours de Salehe Bembury, 38 ans, créateur de sneakers, répond à lui seul à cette question. Le designer de Los Angeles, dont les grands quotidiens américains, comme le Wall Street Journal, font aujourd’hui le portrait, est suivi par plus de 800 000 personnes sur Instagram. Le récit de sa jeune carrière rassemble tous les ingrédients d’une success story à l’américaine : un jeune homme lambda devenu une icône du monde de la mode.
En à peine plus d’une décennie, Salehe Bembury a produit assez de modèles devenus collectors pour pouvoir les aligner, tels des trophées, dans le studio de Los Angeles où il travaille. Sa recette du succès comporte plusieurs ingrédients. Le premier : apprendre des anciens. De son enfance dans le quartier de Tribeca, à New York, Salehe Bembury a narré, dans le média Bloomberg Talks, consacré « aux plus grands noms de la finance, de la politique et du divertissement », le souvenir des coups de téléphone de son père, photographe de studio, qui prenait un temps fou à fidéliser ses clients pour entretenir son réseau. Technique que le garçon appliquera méthodiquement par la suite.
En à peine plus d’une décennie, Salehe Bembury a produit assez de modèles devenus collectors pour pouvoir les aligner, tels des trophées, dans le studio de Los Angeles où il travaille. Sa recette du succès comporte plusieurs ingrédients. Le premier : apprendre des anciens. De son enfance dans le quartier de Tribeca, à New York, Salehe Bembury a narré, dans le média Bloomberg Talks, consacré « aux plus grands noms de la finance, de la politique et du divertissement », le souvenir des coups de téléphone de son père, photographe de studio, qui prenait un temps fou à fidéliser ses clients pour entretenir son réseau. Technique que le garçon appliquera méthodiquement par la suite.
La première étape d’une ascension sociale réussie consiste à obtenir un diplôme. Le jeune Salehe Bembury est fan de chaussures de sport et particulièrement de basket-ball, comme beaucoup d’ados américains urbains des années 1990. Les fées lui ont donné un bon coup de crayon, et ses parents le voudraient architecte ou ingénieur. Ce fils de la petite bourgeoisie se forme alors au design industriel. Il trouve son premier travail chez Payless, une marque de chaussures à bas prix, très populaire aux États-Unis, pour dessiner toutes sortes de souliers. Une façon de mettre les mains dans le cambouis.
La première étape d’une ascension sociale réussie consiste à obtenir un diplôme. Le jeune Salehe Bembury est fan de chaussures de sport et particulièrement de basket-ball, comme beaucoup d’ados américains urbains des années 1990. Les fées lui ont donné un bon coup de crayon, et ses parents le voudraient architecte ou ingénieur. Ce fils de la petite bourgeoisie se forme alors au design industriel. Il trouve son premier travail chez Payless, une marque de chaussures à bas prix, très populaire aux États-Unis, pour dessiner toutes sortes de souliers. Une façon de mettre les mains dans le cambouis.
Embauché en 2011 chez Cole Haan, une autre marque de prêt-à-porter américaine, alors filiale de la firme Nike dont le chiffre d’affaires s’élève aujourd’hui à plus de cinquante milliards de dollars, Salehe Bembury attrape sa chance au vol. Il fait partie de l’équipe qui imagine une chaussure de ville dotée d’une semelle de sneaker, issue de la technologie de la marque à la virgule. Cette innovation grand public est encore déclinée aujourd’hui par la marque. Salehe Bembury construit son autobiographie de self-made man en narrant volontiers comment il s’est servi du réseau social LinkedIn. C’est ainsi que le bouche à oreille numérique le conduit à Kanye West, rappeur poids lourd de l’industrie musicale, reconverti en homme d’affaires. En 2015, une alliance avec la marque Adidas – plus de vingt milliards d’euros de chiffre d’affaires aujourd’hui – permet au rappeur de créer une collection de sneakers et dérivés. Certains de ces modèles, désormais réservés aux collectionneurs, s’acquièrent sur de sites spécialisés au prix de 1 600 euros.
Embauché en 2011 chez Cole Haan, une autre marque de prêt-à-porter américaine, alors filiale de la firme Nike dont le chiffre d’affaires s’élève aujourd’hui à près de cinquante milliards d’euros, Salehe Bembury attrape sa chance au vol. Il fait partie de l’équipe qui imagine une chaussure de ville dotée d’une semelle de sneaker, issue de la technologie de la marque à la virgule. Cette innovation grand public est encore déclinée aujourd’hui par la marque. Salehe Bembury construit son autobiographie de self-made man en narrant volontiers comment il s’est servi du réseau social LinkedIn. C’est ainsi que le bouche à oreille numérique le conduit à Kanye West, rappeur poids lourd de l’industrie musicale, reconverti en homme d’affaires. En 2015, une alliance avec la marque Adidas – plus de vingt milliards d’euros de chiffre d’affaires aujourd’hui – permet au rappeur de créer une collection de sneakers et dérivés. Certains de ces modèles, désormais réservés aux collectionneurs, s’acquièrent sur des sites spécialisés au prix de 1 600 euros.
L’histoire à succès de Salehe Bembury attribue toujours à Linkedln sa rencontre, en 2017, avec les équipes de Donatella Versace, directrice artistique de la marque italienne de luxe du même nom, qui l’embauche. Il crée pour cette maison de couture, dont l’image est associée au gotha mondain, une ligne de sneakers… de luxe. Le modèle principal se nomme « Chaine Reaction » : le designer a eu l’idée de faire mouler une semelle en forme de chaîne à gros maillons, un élément caractéristique du style outrancier de la marque depuis ses débuts dans les années 1980. Les fins de stocks de ce modèle se vendent actuellement entre 500 et 1 000 euros par paire sur Internet. En 2018, Versace est rachetée par le groupe de luxe américain Capri Holding pour la somme de 1,83 milliard d’euros. Cette année-là, Salehe Bembury en devient vice-président en charge des chaussures de sport et des chaussures pour homme. De cette expérience, il conserve même dans le formol un autre modèle de sa création.
L’histoire à succès de Salehe Bembury attribue toujours à Linkedln sa rencontre, en 2017, avec les équipes de Donatella Versace, directrice artistique de la marque italienne de luxe du même nom, qui l’embauche. Il crée pour cette maison de couture, dont l’image est associée au gotha mondain, une ligne de sneakers… de luxe. Le modèle principal se nomme « Chaine Reaction » : le designer a eu l’idée de faire mouler une semelle en forme de chaîne à gros maillons, un élément caractéristique du style outrancier de la marque depuis ses débuts dans les années 1980. Les fins de stocks de ce modèle se vendent actuellement entre 500 et 1 000 euros par paire sur Internet. En 2018, Versace est rachetée par le groupe de luxe américain Capri Holding pour la somme de 1,83 milliard d’euros. Cette année-là, Salehe Bembury en devient vice-président en charge des chaussures de sport et des chaussures pour homme. De cette expérience, il conserve même dans le formol un autre modèle de sa création.
Un designer de baskets reste « bankable » si le monde de la mode continue à citer son nom. Entre 2020 et 2021, Salehe Bembury greffe donc son patronyme à certains modèles d’équipementiers sportifs à très large diffusion. Il accroche ainsi un sifflet à l’arrière d’une paire de la marque de running New Balance – près de 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires aujourd’hui. Le marketing de ce modèle, nommé « Yurt », consiste à faire souffler dans cet objet des stars américaines du petit écran et devient viral.

Un designer de baskets reste « bankable » si le monde de la mode continue à citer son nom. Entre 2020 et 2021, Salehe Bembury greffe donc son patronyme à certains modèles d’équipementiers sportifs à très large diffusion. Il accroche ainsi un sifflet à l’arrière d’une paire de la marque de running New Balance – près de six milliards d’euros de chiffre d’affaires aujourd’hui. Le marketing de ce modèle, nommé « Yurt », consiste à faire souffler dans cet objet des stars américaines du petit écran et devient viral.

Pour le groupe Crocs, spécialisé dans les sabots – autour de 4 milliards d’euros de chiffres d’affaires annuel –, il imprime ses propres empreintes digitales sur une semelle aux arrêtes saillantes. Le modèle est encore vendu, aux États-Unis, à 85 dollars.

Pour le groupe Crocs, spécialisé dans les sabots – autour de quatre milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel –, il imprime ses propres empreintes digitales sur une semelle aux arêtes saillantes. Le modèle est encore vendu, aux États-Unis, à 85 dollars.

L’aura de Salehe Bembury dépasse largement le petit monde de la chaussure de sport – dont le marché est estimé pour certains jusqu’à 120 milliards d’euros. Son image inspire ses fans, comme en témoigne cette peinture de Yasmina Julietta Johnston réalisée à partir d’une des photos de Francesca Forquet. De son atelier à Los Angeles, Bembury a fait le reflet de son ego : il y met en scène ses propres modèles devenus objets de collection, les cadeaux que ses amis artistes ou ses employeurs lui ont faits, etc. Quand la photographe lui demande d’empoigner ses crayons pour les besoins du portrait, il suggère de saisir plutôt sa silhouette en train de rempoter une plante pour témoigner de son « processus créatif », comme de son inspiration principale, la nature. Un élément narratif qu’ont bien saisi les marques d’équipement de sport de plein air pour vendre des millions de chaussures chaque année.
De son atelier à Los Angeles, Bembury a donc fait le reflet de son ego : il y met en scène ses propres modèles devenus objets de collection, les cadeaux que ses amis artistes ou ses employeurs lui ont faits, etc. L’aura de Salehe Bembury dépasse largement le petit monde de la chaussure de sport – dont le marché est estimé pour certains jusqu’à 120 milliards d’euros. Son image inspire ses fans, comme en témoigne cette peinture de Yasmina Julietta Johnston réalisée à partir de la photo de Francesca Forquet qui ouvre ce récit photo.