Nous sommes en 1966. Les passagers ont embarqué à bord du train le plus rapide de l’époque en France, Le Capitole. Capable de monter à 200 km/h, il relie Toulouse à Paris en sept heures. Et incarne la modernité avec son service de restauration à table, parmi les agréments du voyage. Pour élaborer l’exposition « Wagon-bar, une petite histoire du repas ferroviaire » – présentée cet été aux Rencontres d’Arles –, l’historien Arthur Mettetal s’est plongé dans le fonds d’archives de La Compagnie internationale des wagons-lits (CIWL).
Dès sa création en 1876, cette entreprise française s’inspire des trains de nuit américains. Elle fait construire les premières voitures-lits et voitures-restaurants d’Europe, qui deviennent sa marque de fabrique. La compagnie incarne tout à la fois l'art de vivre à la française, le luxe ferroviaire et le confort, dans une ambiance feutrée. Trois services sont proposés à heures fixes pour que les voyageurs puissent se restaurer tout en profitant du paysage qui défile. Selon Arthur Mettetal, qui assure le commissariat de l’exposition, c'est à partir de 1920 que la voiture-restaurant connaît son âge d'or et intègre les trains les plus emblématiques de la CIWL : l’Orient-Express (Paris-Constantinople), le Train Bleu (Calais-Côte d'Azur) et l'Étoile du Nord (Paris-Amsterdam).
Trois millions de repas par an
À partir des années 1960, la clientèle peut désormais savourer la formule entrée-plat-dessert à plus de 200 km/h, comme ici à bord du Capitole, sur cette photo promotionnelle. « Si l'on regarde en haut à droite, on voit la jauge indiquant la vitesse du train. C’est un vrai atout commercial », commente Arthur Mettetal. Ces trains rapides, mis en service par la SNCF, « marquent une rupture claire avec leurs prédécesseurs, avec leur design plus épuré, leurs services sophistiqués et leurs innovations ».
À compter de 1956, les brigades de la CIWL, constituées de serveurs, cuisiniers et maîtres d'hôtel, servent plus de trois millions de repas annuels. Certains trains comme le Mistral (Paris-Nice) sont dotés de salons de coiffure, de boutiques et de secrétariats. Mais à partir des années 1970, ce folklore ne fait plus recette, en raison de la diminution de la durée des voyages, mais aussi du manque d’attrait progressif des passagers pour des repas à heures fixes. La clientèle se diversifie – et rajeunit. De nouvelles formules, proches de ce qui se pratique aujourd’hui, apparaissent : le libre-service, la vente ambulante et les voitures « bar et snack ». Dans les années 1970, la cuisine élaborée à bord disparaît, laissant progressivement la place au club-sandwich industriel à emporter que nous connaissons.
« Le format de l’exposition est le moyen idéal pour valoriser l’archive historique », estime Arthur Mettetal, également administrateur-directeur du Fonds de dotation Orient-Express, fondation d’entreprise créée en 2018 pour sauvegarder la mémoire de cette ligne mythique. « Avec ce projet, je souhaite intégrer la photographie d’entreprise dans l'histoire de la photographie. Elle témoigne de l’évolution de nos habitudes de consommation. Jusque dans nos assiettes. »
Exposition présentée aux Rencontres d’Arles, jusqu’au 29 septembre 2024.