Sous une neige abondante, à Bakinskaya, ville russe proche de la mer Noire et de la frontière ukrainienne, Nanna Heitmann capture une scène unique. Père Dmitri, un prêtre orthodoxe donne une bénédiction funéraire aux combattants russes du groupe Wagner inhumés dans des cercueils bordeaux.
C’est un activiste russe, Vitaly Votanovsky, qui a informé la photographe de l’existence de ces cimetières officieux, l'hiver dernier. En février 2023, elle embarque, dans le froid, à bord d'un véhicule qui l'emmène au milieu de nulle part, jusqu'à des tombes en terre surmontées de croix orthodoxes, où sont enterrés principalement des mercenaires russes et soldats de Wagner.
Ces derniers avaient été recrutés au sein des prisons russes, dans le cadre du Projet K, un programme de mobilisation pour la guerre en Ukraine. « La plupart d'entre eux n'ont pas de famille, ou alors leurs familles ont coupé les ponts avec eux et ne réclament pas les corps. C'est pour cela qu'ils reposent dans cet endroit isolé », témoigne Nanna Heitmann.
Conformément à la religion orthodoxe, les prêtres russes conduisent une cérémonie solennelle. « C'est un miracle d'avoir capturé ce moment. C'est très risqué d'y accéder » confère Nanna. D’ailleurs, Vitaly Votanovsky, qui avait rendu publiques ces funérailles financées par Wagner, a dû fuir la Russie le 4 avril 2023, après avoir reçu de nombreuses menaces de mort.
La guerre, toujours en cours, a engendré un accroissement du nombre de tombes dans le cimetière, dévoilant les importantes pertes. Depuis la mort en août 2023 de Evgueni Prigojine, fondateur du groupe Wagner, le pouvoir russe chercherait à récupérer ces espaces funéraires.