Les cavaliers noirs du Mississipi

Photos par Rory Doyle Un portfolio issu de la revue XXI
Les cavaliers noirs du Mississipi
Ils ont été effacés des westerns et des contes populaires. Dans le Sud profond, le photographe américain (blanc) Rory Doyle a passé plusieurs années parmi les cow-boys noirs qui perpétuent la tradition.
Paru en novembre 2021
Article à retrouver dans cette revue
Ils ont été effacés des westerns et des contes populaires. Dans le Sud profond, le photographe américain (blanc) Rory Doyle a passé plusieurs années parmi les cow-boys noirs qui perpétuent la tradition.
« Près de Cleveland, dans le Mississippi, une petite communauté de cow-boys organise des sorties à cheval. Ces passionnés d’équitation passent tous leurs loisirs avec leur monture. Tous propriétaires de leur animal, ils sont livreurs, charpentiers, caissiers. Ils se cotisent pour les factures d’eau et d’électricité d’une écurie municipale. »
« Contrairement aux images d’Épinal, les cow-boys ne sont pas tous des Texans blancs. Les historiens estiment qu’après la guerre de Sécession, près d’un sur quatre était d’origine afro-américaine. Dans les États de l’Ouest, il y a encore des Noirs parmi les cow-boys de métier. Ce n’est plus le cas ici, où la tradition se perpétue grâce aux amateurs. J’ai suivi ce groupe pendant des années. Ce jour-là, certains se baladaient à cheval et d’autres en quad. »
« Les Smith sont très importants à Charleston, Mississippi. C’est la seule famille afro-américaine à posséder un grand ranch. Une exception dans cet État où le racisme a tout rendu plus difficile. Les cavaliers de la région s’y retrouvent pour des randonnées ou des concours. Comme la région est majoritairement peuplée d’Afro-Américains, il n’y a que des cavaliers noirs. »
« Lors des sorties à cheval, on met les enfants qui ne montent pas dans des remorques tirées par des tracteurs ou de vieux camions. Les balades se terminent souvent autour d’un barbecue au bord du fleuve et d’une soirée dansante jusque tard dans la nuit. L’avantage, c’est que la police contrôle moins les cavaliers que les automobilistes. » 
« Lui, c’est Joe Wrenn, mais tout le monde l’appelle le “cow-boy danseur” car il adore se déhancher sur la musique ! Les soirs de fête, il aime aussi frimer à bord de cette Buick LeSabre 1976, une voiture de collection qui appartient à l’un de ses amis. Le reste du temps, Joe est un excellent cavalier et un homme respecté qui a travaillé dur toute sa vie dans le bâtiment et l’agriculture. » 
« Ici, les paysages sont plats et dominés par l’agriculture intensive. Les cavaliers s’éloignent des exploitations et se baladent dans les collines boisées à l’est du fleuve. Ce jour-là, certains cow-boys étaient venus de tout le Mississippi, mais aussi de l’Arkansas et de Louisiane. Les habitants sont habitués à les voir passer. »
« Il n’y a pas vraiment d’âge pour commencer à monter. Les plus jeunes débutent à 5 ans ; d’autres, passé la vingtaine. Ici, la culture cow-boy ne se définit plus par la transhumance, le rodéo ou le colt à la ceinture, mais par l’amour des chevaux, les sorties en groupe, le chapeau et les bottes. L’homme qui tient son nouveau-né s’appelle Jessie Brown. C’est lui qui m’a présenté à sa communauté. Ils sont fiers de partager leurs traditions. »
« Les cow-boys adorent danser. Ils se retrouvent régulièrement dans un club local très populaire de Ruleville, Mississippi, où cavaliers et non-cavaliers se mélangent. Certains viennent en tenue pour célébrer leur identité. Ils se déhanchent sur toutes les musiques que passe le DJ : country, blues, R&B, zydeco ou hip-hop. »
« Pour les femmes noires aussi, cette tradition est importante. Les cavalières forment presque la moitié de ce groupe. On est loin de l’image d’un John Wayne viril et conquérant. Bree Gary ne possède pas de cheval mais elle adore monter. Entretenir une monture coûte cher. Ici, les gens ont des revenus modestes et certains cumulent deux emplois pour financer leur loisir. »
Rory Doyle est né dans le Maine de parents américains, il est blanc. Alors qu’il présentait un jour son travail à un groupe d’étudiants, des activistes lui ont fait remarquer qu’un photographe comme lui ne devait pas raconter d’histoires de cow-boys noirs. En clair, on l’accusait d’appropriation culturelle. « Je suis d’accord avec les critiques selon lesquelles les minorités et les personnes de couleur n’ont pas eu les mêmes opportunités pour raconter leurs propres histoires, explique le photographe. Mais je crois qu’il y a aussi de la place pour ceux à l’extérieur de la ­communauté qui sont prêts à apprendre des personnes qu’ils photographient et à les représenter avec ­respect tout au long de ce processus. »
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