« J’ai quelques doutes sur l’authenticité de ces baskets. Tu devrais enquêter là-dessus », me propose Benjamin quand il apprend que je suis journaliste, et que je travaille sur la contrefaçon. Le trentenaire n’a pas d’addiction. Il ne fume pas, ne boit pas d’alcool en dehors des soirées, ne se drogue pas, gratte un jeu d’argent de temps en temps – mais n’y consacre pas plus de cinq euros. Il peut en revanche mettre des sommes considérables – jusqu’à 500 euros – pour une paire de baskets. Depuis trois ans, il collectionne les Nike Air Max 1, le premier modèle à avoir exhibé une unité d’air dans sa semelle. C’était en 1987. L’équipementier s’était alors inspiré de la structure du Centre Pompidou.
Les Air Max 1 font aujourd’hui partie des paires les plus recherchées par les collectionneurs ; les nouveaux modèles de la gamme font l’objet de nombreux drops, des sorties en édition très limitée, qui se développent depuis une dizaine d’années, à la faveur de collaborations exclusives entre des équipementiers grand public, comme Nike ou Adidas, et des marques de luxe, telles Louis Vuitton ou Balenciaga. Pour le plus grand plaisir des sneakerheads, les collectionneurs de ce que l’on appelle désormais des « sneakers », c’est-à-dire des paires de baskets faites pour la ville et non pour le sport. Mais, problème, alors que certains modèles se revendent sur des sites spécialisés, de particulier à particulier et pour des sommes astronomiques, le marché est gangrené par les contrefacteurs. À tel point que Benjamin peine à acheter ses Air Max 1 en toute confiance, et que cette obsession est devenue une enquête.
Comment une paire difficile à trouver en ligne peut-elle être aussi accessible dans cette boutique ?!
Benjamin
Un modèle en particulier, la Air Max 1 Ruby Red Jewel, a demandé à Benjamin plusieurs mois de recherches : impossible d’accéder à la vente initiale, et les paires proposées par les resellers – des revendeurs agréés par les marques ou des particuliers qui spéculent sur les paires les plus rares – étaient soit beaucoup trop chères, soit indisponibles en 42, sa pointure. Jusqu’à ce jour de juin 2023 où, par hasard, il les aperçoit chez Shinzo. La boutique, située dans le Ier arrondissement de Paris, est un lieu culte pour les sneakerheads, qui peuvent y mettre la main sur des paires assez rares. Benjamin s’empresse de les acheter, sans trop se poser de questions. Après tout, Shinzo est un revendeur agréé.
Je le rencontre pour la première fois deux mois plus tard. Évidemment, Benjamin porte ses nouvelles chaussures préférées – blanches avec un swoosh (le logo Nike) et une étiquette rouge profond. Il est désormais persuadé qu’il s’agit de contrefaçon. « Comment une paire de baskets aussi rare, que l’on trouve difficilement en ligne et cotée à plus de 700 euros, peut-elle être aussi accessible dans cette boutique ?! », me lance-t-il. Or, il a payé ses Air Max 1 Ruby Red Jewel 199 euros – à peine plus que le prix de lancement de la paire sur le site de Nike. Benjamin me raconte également qu’après son achat, il est retourné trois fois chez Shinzo pour voir si la boutique proposait toujours ce modèle à la vente. Et ce fut le cas à plusieurs reprises. Pour les néophytes, c’est un détail. Pour les sneakerheads, une petite trahison. Nous nous empressons de vérifier sur StockX, site spécialisé dans la revente entre particuliers, qui a la particularité de fonctionner sur le modèle boursier : les clients qui recherchent une paire indiquent le montant qu’ils seraient prêts à débourser, les vendeurs proposent le leur et, en fonction de l’offre et de la demande, un prix est fixé par l’algorithme. Selon cet outil, Benjamin porte 500 euros aux pieds.
L’hypothèse des imitations
Première hypothèse : les sneakers qu’il a achetées sont de très belles imitations. Dans ce cas, pas de chance, Benjamin s’est fait avoir – une option qui ne lui plaît guère. Et si Shinzo, l’un des principaux revendeurs officiels de Nike à Paris, était parfaitement intégré à un réseau international de contrefaçons ? Il faut dire que depuis quelques années le milieu de la sneaker est fortement parasité par le faux. L’Union des fabricants pour la protection internationale de la propriété intellectuelle (Unifab), qui organise la lutte contre le phénomène en France, estime que 60 % des marques concernées sont des enseignes de sport.
Nike – qui siège au conseil d’administration de l’Unifab aux côtés de LVMH et de Chanel – est d’autant plus touché que l’équipementier a développé un modèle d’exclusivité autour de ses sneakers. Dans une ferveur quasi religieuse et presque tous les jours, quelques minutes avant 9 heures, les fans se connectent sur SNKRS, l’application dédiée de la marque, pour saisir leurs coordonnées bancaires. Ils multiplient ainsi les chances de valider leur panier avant la rupture de stock, et se préparent à sauter sur les quelques milliers, parfois centaines, de paires mises en vente ce jour-là. Or, « plus un produit est exclusif, plus il est copié », déplore Delphine Sarfati-Sobreira, directrice générale de l’Unifab, dans ses bureaux du XVIe arrondissement de Paris.
La France est particulièrement concernée par la contrefaçon, et encore plus à la veille des JO.
Au rez-de-chaussée du bâtiment se trouve un « musée de la contrefaçon ». Au milieu des fausses sneakers exposées et découpées, on comprend combien en reproduire est un jeu d’enfant : même les paires les plus chères ne sont composées que de plastique, de cuir bas de gamme et d’empiècements collés les uns aux autres. À tel point qu’une nouvelle technique a récemment été élaborée par les contrefacteurs. Afin que la marchandise ne soit pas saisie et détruite par les douanes, ils envoient en plusieurs petits colis les différents morceaux – semelle, logo, languette – pour les faire assembler dans les pays de destination. D’après l’Unifab, la majorité des contrefaçons de baskets viennent de Chine, des Philippines et du Viêtnam, des pays qui fabriquent également les modèles authentiques.
Côté destinataires, la France est particulièrement concernée. Et encore plus à la veille des Jeux olympiques, alors que des dizaines de milliers de touristes fortunés et amateurs de sport vont débarquer aux portes de Paris, non loin du marché aux puces de Saint-Ouen. En décembre 2023 et janvier 2024, deux entrepôts géants remplis d’imitations de sacs de luxe et de baskets très bien faites ont été saisis non loin de là, à La Courneuve. L’Unifab forme, depuis fin 2023, les forces de police et les douanes à mieux détecter les contrefaçons.
Le test de l’authenticité
Pour vérifier l’authenticité de sa paire d’Air Max, Benjamin a d’ores et déjà investi du temps, et de l’argent. D’abord en utilisant l’application américaine CheckCheck, qui comme d’autres propose, moyennant une vingtaine d’euros, d’authentifier des paires sur la base de photos et de vidéos en ligne. Vues de face, d’en dessous, d’au-dessus, de chaque côté, plus quelques détails comme la languette, les coutures, l’étiquette et le fameux swoosh. En quelques heures, l’application donne son verdict : les baskets qui nous intéressent sont apparemment des vraies. Oui, mais. « J’ai quand même beaucoup de paires d’Air Max [une quinzaine, NDLR], et je trouve que la boîte d’emballage ne ressemble pas aux autres. Il y a quelque chose qui me gêne », persiste Benjamin, peu convaincu par les prouesses technologiques.
CheckCheck, comme les autres applications de ce style, fonctionne sur la base d’une intelligence artificielle, qui s’entraîne sur l’ensemble des données à sa disposition – des photos d’utilisateurs et des fabricants. Elle n’est donc pas infaillible. Pourtant, une fois la paire analysée, l’application délivre un certificat d’authenticité si le résultat est positif. L’Unifab considère cette pratique comme trompeuse pour le consommateur. « Personne n’a les compétences juridiques pour le faire. Seuls les fabricants peuvent assurer qu’un produit est authentique », détaille Delphine Sarfati-Sobreira. Même les vendeurs des boutiques des marques sujettes à la contrefaçon n’ont pas légalement le droit d’assurer la conformité d’un produit qu’un client rapporte. L’équipe de CheckCheck, installée à Los Angeles, n’a pas répondu à nos sollicitations. Pas plus que Nike : l’équipementier américain, comme les maisons de couture, ne communique pas sur ses stratégies de distribution, et le sujet de la contrefaçon y est toujours tabou.
Un vendeur de la marque, sous couvert d’anonymat, analyse la situation : « Nous ne sommes pas formés, à proprement parler, à authentifier les paires. Ceux qui travaillent dans les zones à risques sont tout au plus sensibilisés. » C’est-à-dire les magasins qui se trouvent à proximité des points de vente de faux, par exemple à Paris ou dans d’autres grandes agglomérations. « De toute façon, la plupart des vendeurs sont en intérim ou en CDD. Et, dès que la marque met en place un système d’authentification, comme les cartes antivols il y a quelques années, on en retrouve des imitations dans les semaines qui suivent. »
L’obstacle du « super fake »
En résumé, notre enquête patine, et les contrefacteurs ont toujours un coup d’avance. La plupart des collectionneurs se forment donc sur le tas, avec des livres spécialisés ou en suivant les conseils d’autres passionnés qui partagent leurs secrets sur Instagram ou en vidéo sur YouTube – autant de matière par ailleurs accessible aux contrefacteurs, qui conservent ainsi leur capacité à anticiper. Car il ne s’agit pas ici de contrefaçons bon marché, vendues sur les plages de Turquie ou en bas de la tour Eiffel, mais de « super fake », des imitations quasi indétectables, même pour les plus renseignés.
Notre quête d’authenticité s’en trouve d’autant plus compliquée. Mais déterminée à faire honneur à ma carte de presse, j’appelle à l’aide « Francky B. », l’un des sneakerheads les plus célèbres de France. Francky Bendahan est l’un des premiers Français à avoir collectionné les baskets, « à l’époque où il fallait faire jouer ses connexions et prendre l’avion pour l’Allemagne ou les États-Unis si on voulait mettre la main sur une paire », se souvient-il, à la table d’un restaurant chic du VIIIe arrondissement de Paris. C’était au début des années 2000. Depuis, l’entrepreneur a dirigé, en 2014, la première édition française du festival Sneakerness. Il a travaillé jusqu’en 2018 au sein de l’entreprise organisatrice, désormais présente aux quatre coins du monde.
En 2021, quand le concept store dédié au streetwear Kith a débarqué de Los Angeles à Paris, près des Champs-Élysées, Francky a été nommé directeur du magasin – c’est à cette occasion que nous nous sommes rencontrés, et j’étais loin d’imaginer l’envers du décor. « Quand on a ouvert, j’avais l’impression d’être un dealer de crack, rigole le quadragénaire. Avant chaque “drop” et chaque nouvelle entrée en magasin, il y avait une file interminable devant la boutique. Tout le monde voulait sa dose ! » Mais, rapidement, Francky B. dresse un triste constat : Kith n’est pas seulement apprécié parce que c’est un endroit « cool ». Kith est devenu le nouveau lieu où les revendeurs individuels, plus ou moins consciencieux, et surtout, de plus en plus nombreux, peuvent se fournir.
Avec les confinements, le marché des baskets s'est mis à intéresser les dealers de stupéfiants.
« Avec les confinements, c’est devenu plus facile de faire de la revente que de dealer du shit, développe Francky Bendahan. A priori, on ne risque pas de se prendre une balle en vendant des baskets. » Le marché commence à intéresser les « petits dealers », selon les mots de l’expert, pour qui le renforcement de la répression du trafic de stupéfiants a rendu le business plus compliqué. En dehors des sites spécialisés, des canaux de revente informels se développent, via Instagram, WhatsApp ou Signal. Sur le papier, rien d’illégal. Il suffit d’avoir un téléphone et un sens des affaires un minimum aiguisé.
La bulle spéculative autour des sneakers ne cesse alors d’enfler. Les vrais collectionneurs en font les frais. Il est de plus en plus compliqué de mettre la main sur une paire rare, tant les prix en resell grimpent en flèche. Francky organise la riposte : puisqu’il est légalement impossible de refuser une vente en Europe, le « general manager » de Kith décide, pour « assainir le marché », de mettre en place un marquage officieux des boîtes contenant les meilleures paires de la boutique. Une simple croix au marqueur, avant que celles-ci quittent le magasin. La boîte étant gage d’authenticité, il est ensuite impossible de revendre les sneakers avec une marge qui peut aller jusqu’à cinq fois le prix de base. « Ou alors je demandais aux clients de porter directement les paires après leur passage en caisse », sourit Francky en croisant les jambes – une paire de Reebok vintage aux pieds – dans un geste de satisfaction. « S’ils étaient capables de faire la queue pendant des heures ou de venir à 7 heures du matin pour pouvoir les acheter, ils devaient être contents de les porter, non ?! » Ces initiatives militantes coûtent son poste à Francky B.
Pourtant, les boutiques spécialisées ont les mêmes préoccupations – notamment à l’encontre de leurs vendeurs. Certains pourraient être tentés d’acheter en gros pour revendre les paires, et doubler voire tripler leur salaire. Cette théorie commence d’ailleurs à titiller Benjamin : « Comment les vendeurs de chez Shinzo peuvent voir passer autant de paires rares sans jamais en acheter pour les revendre en se faisant une marge ? Je n’ai jamais vu ça. » En réalité, cette apparente nouvelle abondance est surtout la fin d’une époque sur le marché des sneakers, assure Francky : Nike et d’autres marques font état d’une perte d’appétence des clients pour les modèles trop exclusifs. « C’est lassant de se dire qu’être un client fidèle ne suffit plus à obtenir une paire cool, constate-t-il. J’ai l’impression que les gens en ont assez de l’ultra-exclusif, qui fait grimper la cote de revente pour des paires qui n’en valent pas la peine. »
Nike, comme Adidas, demandait jusque-là à ses revendeurs de ne pas laisser trop longtemps les modèles exposés quand bien même ceux-ci existaient en stock, m’apprend Francky. Pour créer l’indisponibilité et donc la rareté, de sorte à provoquer l’achat immédiat. Sur les sites internet des équipementiers, le nombre réel de paires en stock n’était jamais indiqué non plus : les clients étaient invités à donner leur e-mail et créer une alerte pour être informés des restocks, afin de sauter tout de suite sur la paire quand celle-ci est de nouveau rendue disponible. Mais ce système commence à être obsolète. Et depuis l’été 2023, les marques au centre de toutes les attentions mettent en place progressivement – et, surtout, discrètement – un nouveau modèle de distribution.
La piste new-yorkaise
Les sites d’authentification et Francky B. disent que, oui, les Air Max 1 Ruby Red Jewel de Benjamin sont des vraies. Les marques refusent de nous répondre. La loi dit qu’il est impossible de le savoir. Nos soirées tournent autour de visionnages de chaînes YouTube d’autoproclamés experts qui analysent des baskets sous toutes les coutures. Lors d’un voyage à New York, en février 2024, quelques initiés remarquent celles aux pieds de Benjamin, et lui adressent un sourire entendu. Certains le gratifient même d’un « Cool shoes, bro! »
Outre-Atlantique, les boutiques spécialisées sont encore plus nombreuses qu’à Paris. Normal, la tendance vient de là. Il y a, bien sûr, les « superstores », des boutiques sur plusieurs étages, qui proposent aux chalands – et surtout aux touristes, qui profitent d’un taux de change avantageux – l’ensemble du catalogue Nike, New Balance ou Adidas. Mais c’est dans les petites échoppes que le client peut faire de vraies affaires. En bas de la Cinquième Avenue, artère du luxe new-yorkais, comme dans l’East Village, des vitrines affichent des paires toutes plus rares les unes que les autres. Des Jordan allant jusqu’à 5 000 dollars. Certaines sont même protégées par un film plastique, rendant l’ensemble impressionnant. L’entrée de ces boutiques – peu accueillantes, il faut l’admettre – est souvent contrôlée par un colosse. Et aucune n’accepte d’authentifier une paire qui 1) a été portée, 2) n’est pas destinée à être revendue par la boutique.
A priori, les revendeurs sélectionnés par les marques ne vont pas s’amuser à vendre intentionnellement du faux.
Francky B.
De retour à Paris, il nous reste une autre option à étudier. Plus théorique, mais centrale : une paire achetée chez un revendeur agréé peut-elle être fausse ? « A priori, les revendeurs sélectionnés par les marques ne vont pas s’amuser à vendre intentionnellement du faux, rassure Francky B. C’est trop risqué pour eux de perdre un fournisseur comme Nike, le milieu restant malgré tout très compétitif. » A priori aussi, Nike ne devrait pas avoir de « fake » dans ses stocks. Sauf si les faux sortent de ses usines, en Chine ou au Viêtnam – là où Nike produit 50 % de ses baskets.
Une dernière hypothèse nous ramène aux boutiques certifiées : un client mal intentionné pourrait rapporter une fausse paire, après en avoir acheté une authentique, pour procéder à un échange, supposément à la suite d’une erreur de pointure. Plusieurs youtubeurs spécialisés en ont fait l’expérience. Et ça marche. Mais ni Nike ni Adidas n’ont souhaité nous répondre sur la procédure mise en place pour les retours clients. Dans les boutiques comme Shinzo, les stocks sont suivis via un logiciel dédié. À condition que la paire retournée, dans les trente jours suivant l’achat, ait encore sa boîte et ses étiquettes d’origine, elle peut être immédiatement remise en vente.
« Les paires sentimentales »
« OK. Donc, si le vrai et le faux se mélangent, et que la qualité des contrefaçons n’a rien à envier aux authentiques, à quoi bon ? se désespère Benjamin. Avec une paire de sneakers, on ne s’attend pas à une qualité incroyable, ça ne se répare pas vraiment, on ne va pas les transmettre à nos enfants. » La seule valeur ajoutée est en effet l’originalité du modèle – et, surtout, sa rareté. Un signe de distinction, d’entre-soi, que seuls les initiés remarquent. Quand il n’y a plus d’exclusivité, la quête perd de son sens et de son intérêt.
C’est ainsi que Francky, le sneakerhead le plus militant de France, s’est séparé d’une grosse partie de sa collection. Il n’a gardé que « les paires sentimentales, celles du début », confie-t-il. Les autres ont été mises aux enchères chez Sotheby’s lors d’une vente-événement en avril 2024. À l’instar de Christie’s, la maison d’enchères a ouvert, il y a quelques années, un département « Collectibles », réservé au streetwear d’exception. Francky s’apprête à ouvrir le premier magasin en France de l’enseigne allemande Solebox. Il sera situé à quelques pas d’Opéra – « proche de chez Cédric Grolet [boutique du chef pâtissier, NDLR] pour la hype quand même », admet-il. Son concept store consacré aux sneakers se veut « plus accessible » que Kith et consorts. « On sort de l’univers codifié du luxe pour donner aux clients ce qu’ils veulent, des baskets cool et sans prétention. »
Les marques qui se vendent le plus actuellement n’ont en effet rien à voir avec les modèles collectionnés par Francky ou Benjamin : les chaussures de randonnée de Salomon, les modèles classiques de Reebok ou d’Adidas, ou les « dad shoes » de New Balance, autrement dit des « baskets de darons », au look volontairement suranné. Benjamin, quant à lui, reste sceptique quant à l’authenticité de ses baskets préférées – et s’interroge sur la pertinence d’un système qui s’auto-sabote.
Au moment de la conclusion de cet article, les Air Max 1 Ruby Red Jewel sont disponibles, en 42, sur StockX. Leur prix a d’ailleurs chuté à 130 euros sur le site quasi boursier qui, l’an dernier, les estimait à 500 euros. Huit mois d’enquête ne nous auront pas permis d’affirmer l’authenticité des baskets de Benjamin – qui les sort de moins en moins de son placard. « Dernièrement, les chaussures que je porte le plus sont des Paraboot », confirme le trentenaire. Et ce n’est pas le seul. Le modèle classique de la marque de chaussures en cuir fabriquées en Isère est très populaire depuis quelques années, même chez les fans de sneakers. Son fabricant multiplie d’ailleurs les collaborations avec des marques de streetwear, comme Walk in Paris, Aimé Leon Dore ou Études. À tel point que, fin 2023, elle est devenue la marque de chaussures la plus vendue au Japon – reconnaissance ultime dans le milieu. Ses modèles phares sont constamment épuisés.