Qui a tué Jérôme Laronze, petit paysan pris à la gorge ?

Écrit par Mathilde Boussion Illustré par Otto Bogart
Édition de janvier 2018
Qui a tué Jérôme Laronze, petit paysan pris à la gorge ?
En 2018, « XXI » relate l’histoire tragique de Jérôme Laronze, éleveur de Saône-et-Loire qui n’en pouvait plus des contrôles sanitaires. En butte contre le système, il avait fini par ignorer les injonctions « contradictoires, contre-productives et absurdes ». À la énième visite des gendarmes, il a voulu prendre la fuite… jusqu’à l’issue fatale.
Article à retrouver dans la revue XXI n°41, Seul contre tous
35 minutes de lecture

Les balles ont claqué six fois en une poignée de secondes. Touchée à cinq reprises, la vielle Toyota est allée finir sa course dans la barrière d’un champ. Au volant, l’éleveur est mort en quelques minutes, le dos plombé de deux balles, l’artère fémorale sectionnée par une troisième. Jérôme Laronze avait 36 ans et une centaine de vaches. En ce samedi ensoleillé de mai, il tentait d’échapper pour la troisième fois aux gendarmes venus l’interpeller.

Passé largement inaperçu, le drame s’est déroulé la veille de l’élection présidentielle dans un coin de France couvert de vignes et de pâturages, au sud de la Bourgogne. Éleveur de vaches limousines au royaume de la charolaise, Jérôme Laronze est alors « activement recherché » depuis neuf jours. Il a pris la fuite le 11 mai à bord de son tracteur au cours d’un contrôle vétérinaire en « fonçant sur deux personnels qui ont dû s’écarter pour ne pas être percutés », d’après le récit des gendarmes. Grand blond costaud, Jérôme est connu pour avoir le verbe haut mais « il n’aurait jamais fait de mal à une mouche », disent ses proches à l’unisson.

Quatre mois plus tard, reste du drame une constellation de bris de verre incrustés dans un chemin de terre et un sérieux parfum de malaise.

« C’était un grand gamin, Jérôme »

« C’est vraiment pas une année comme les autres », répète Marie-Noëlle en fixant sa table de cuisine. Depuis la mort de son frère, elle est comme en mode pause. Avant, il y avait toujours des rideaux à coudre, la maison à ranger, une étagère à poser… « J’appelais Jérôme, il venait avec sa perceuse et hop ! Maintenant je laisse traîner, tout est devenu insignifiant… »

Mariée, mère de deux enfants, Marie-Noëlle habite le long d’une petite route qui ne compte que deux maisons. La sienne, toute en pierres, est la plus jolie. Jérôme a entièrement refait le toit il y a quelques années. C’est lui aussi qui a monté le garage. « Maçonnerie, charpente, mécanique, il savait tout faire, mon frère… » Après son installation, l’éleveur avait refait l’étable de sa ferme. Il pouvait également lui arriver de désosser un tracteur, même si sa préférence allait aux ­moissonneuses-batteuses.

« C’était un grand gamin, Jérôme. Plutôt que de parler de ses problèmes, il passait son temps à jouer avec les enfants. Un week-end, j’ai retrouvé la maison sinistrée, les murs couverts de liquide vaisselle. Quand j’ai engueulé mon frère, il a regardé ma fille en riant : “On s’est bien amusé quand même, hein !’” » Marie-Noëlle a prononcé cette phrase en poussant sur l’accent bourguignon : « Il parlait comme ça, Jérôme ! » Le temps de réaliser qu’elle vient d’éclater de rire, son regard s’éteint à nouveau : « Ouais… J’ai plus mon Jérôme pour me poser des luminaires… »

Dernier d’une famille de cinq enfants, Jérôme Laronze a grandi entouré de quatre sœurs. Face au drame, elles se sont soudées d’un bloc. À Marie-Pierre, l’avocate lyonnaise, la communication et la justice. à Marie-Noëlle, cadre dans une coopérative agricole, et son mari, petit-fils de ­paysan, la gestion de la ferme. ­Christophe, le mari de ­Martine, représente la famille au comité de soutien créé pour maintenir l’attention sur ­l’affaire. Seul le mari de Pascale, gendarme, ­s’efforce de rester discret.

Jérôme Laronze avait 36 ans et une centaine de vaches. En ce samedi de mai, recherché depuis neuf jours, il tentait d’échapper pour la troisième fois aux gendarmes.

Entre l’enquête, l’exploitation, les voisins, la presse, il a fallu faire front et commencer par vendre une partie du troupeau en urgence. Cent vingt bêtes réparties sur plus d’une centaine ­d’hectares de prés. La ferme avait bien grandi ces dernières années. Plus de terres, plus de bêtes, plus d’aides… Comme tous les éleveurs, Jérôme vivait de subventions autant que d’élevage.

Depuis quelque temps, il gardait la plupart des animaux au pré toute l’année. « Il partait du principe que les veaux étaient plus solides s’ils grandissaient dehors. » Plus sauvages aussi. Quads, chevaux, ­fléchettes… Il faut ruser pour attraper les plus compliqués. Deux réussissent à se faire la belle sur plus d’un kilomètre. « Sans toi, je sais pas comment on aurait fait », dit Marie-Noëlle en regardant son mari. « Oh, j’ai pas fait grand-chose », murmure-t-il d’une voix blanche. Il est le seul de la famille qui sache encore manier le tracteur et travailler les champs. Comble de l’ironie, lui aussi s’appelle Jérôme.

Il minimise mais depuis le drame du 20 mai, il court dans tous les sens pour s’occuper de l’exploitation. Dans le village de l’éleveur, les voisins ont bien accepté de libérer le salarié agricole en temps partagé pour qu’il travaille sur la ferme mais d’une manière générale, la famille ne s’est pas sentie débordée de soutien. « Depuis la mort de Jérôme, on en a appris beaucoup sur la nature humaine, ­parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. ­Beaucoup de gens ont gardé le silence. Je peux ­comprendre ceux qui ne savent pas quoi dire, mais quand ça vient de professionnels de l’agriculture, ça prend une autre dimension »,souffle ­Marie-Noëlle.

Partisan de l’autonomie

À mi-chemin entre Mâcon et Charolles, capitale française de la viande bovine, Trivy pourrait se contenter d’être un charmant bourg verdoyant de 270 âmes accroché à flanc de colline si le ciel de plomb de ce matin d’automne et les rues désertes ne lui donnaient pas cet air étrangement pesant. Au centre du village, la mairie et son panneau municipal précisant les dates d’ouverture de la chasse, l’école encore ouverte et l’église. Le long de la grande rue, les pancartes indiquent les fermes alentour. La commune vit essentiellement de l’élevage. Il reste une dizaine d’exploitations, elles étaient une bonne quarantaine il y a cinquante ans.

Ici, tout le monde connaît les Laronze mais ces derniers temps, évoquer le nom de Jérôme est le meilleur moyen de voir les portes se fermer. À la mairie, par exemple. Chaque fois qu’on croit lui mettre la main dessus, « M. le Maire n’est pas encore arrivé », « il vient de partir » ou « il doit filer ». À la quatrième tentative, l’édile, Bernard Seigle-Vatte, finit par lâcher : « C’est malheureux ce qui est arrivé, c’est un drame, mais sur le plan agricole, ça pouvait pas se terminer autrement. Ça faisait longtemps qu’il y avait des problèmes… Et puis, sur le plan psychologique aussi, il y avait un historique. Jérôme avait déjà essayé de se suicider, son père aussi. Il aurait pas dû faire ce métier. Il était pas fait pour ça. »

Au sommet de la colline, l’évidence ne saute pas aux yeux : avec ses volets bleu lavande et sa cour proprette, la ferme passe facilement pour l’une des plus jolies du village. Avant, les volets étaient marron. Jérôme les avait repeints il y a six mois. Derrière la maison, une quinzaine de bêtes paissent tranquillement sur les six hectares de prés. À l’avant, le dos tourné à la vue sur les vallons alentour, Marie-Noëlle grimace en inspectant les allées en friche du potager familial : « Bon, ben là c’est tout mort… » Il n’y a pas si longtemps se chamaillaient ici tomates, fraises, pommes de terre, persil, oignon, ail, salades, échalotes, haricots… Et des arbres fruitiers, depuis que Jérôme avait appris à faire des greffes.

« C’est malheureux ce qui est arrivé, c’est un drame, mais sur le plan agricole, ça pouvait pas se terminer autrement. Ça faisait longtemps qu’il y avait des problèmes », lâche le maire.

Installée depuis la deuxième moitié du xixe siècle, la famille cultivait déjà ces terres du temps où « on labourait tout ce qui était labourable » par peur de manquer. « Patates, topinambour, blé, seigle, avoine, on mettait de tout, c’était mal vu de laisser des prés en herbe… » Sans rouler sur l’or, la famille s’est toujours débrouillée, essentiellement grâce aux chambres d’hôtes ouvertes par la mère de Jérôme dans les années 1980. Osé pour l’époque, « mais enfin on était bien contents que ça paie les études des filles », glisse la maman. Les quatre sont diplômées de l’enseignement ­supérieur.

De l’école, Jérôme, lui, semblait surtout garder en mémoire ses heures de colle prétextes à de stimulants échanges intellectuels avec le proviseur du lycée agricole. « Apprendre bêtement, c’était pas son truc. Il avait besoin de comprendre pour faire les choses », raconte Marie-Pierre, sa sœur ­avocate. Après son bac, il travaille un temps dans une maçonnerie. Petit dernier de la cinquième génération sur ces terres, il est l’unique garçon, le seul à même d’y faire perdurer le nom de la famille. Ses sœurs le mettent en garde : « Réfléchis, le métier de paysan c’est dur, pas de week-end, pas de vacances. Et maintenant quand ils arrivent à en prendre, ils ne débranchent pas, ils pensent ­toujours à leur ferme. » Elles ne veulent pas qu’il se sente ­obligé.

Jérôme s’installe en 2003. Il a 23 ans et hérite d’une ferme respectable d’une cinquantaine d’hectares et autant de vaches allaitantes destinées à faire des petits qui finiront en boucherie. ­Agronome plus qu’éleveur, il entretient ses ­prairies avec des mélanges d’herbes savamment étudiés. Trèfles, graminées, ­ray-grass… Il dévore tout ce qui s’écrit sur la botanique, ne veut utiliser ni engrais, ni pesticides, rêve de ­circuits courts, ­d’autonomie et d’abattoirs ambulants pour diminuer le stress des animaux. Ces dernières années, il s’était mis à faire son miel et converti au bio.

Côté élevage aussi, Jérôme est partisan de l’autonomie des bêtes. Il refuse d’enrichir les ­coopératives en utilisant des granulés préparés par l’industrie agroalimentaire et cultive sept à huit hectares de céréales pour nourrir ses bêtes. Il s’intéresse également aux vertus de certaines plantes ­médicinales pour alléger le suivi sanitaire de son troupeau.

Il trouvait injuste que les petits paysans soient soumis aux mêmes règles que les mastodontes de l’agroalimentaire. Pour le paysan, les papiers, c’est le soir, à je ne sais quelle heure.

Marie-Pierre, sœur de Jérôme

Dans le paysage alentour composé exclusivement d’élevages conventionnels, le jeune agriculteur détonne. « Et puis vous connaissez la ­campagne ! Il suffit que le grand-père d’un type se soit bagarré une parcelle avec un autre et, ­cinquante ans après, les familles continuent de se détester. Des fois ça tient à pas grand-chose », souligne un observateur de ce microcosme. Depuis la mort de Jérôme, parmi les exploitants de la commune, même ceux qui ont donné un coup de main à la famille ne ­souhaitent pas s’exprimer publiquement sur le sujet.

Ces derniers mois, les rumeurs avaient fini par dépasser le cadre de l’agriculture. En proie à une profonde détresse, Jérôme s’était laissé pousser la barbe et rasé le crâne à blanc à l’automne ­dernier. Dans le village, certains parlent de secte, de ­djihad. « J’ai même entendu qu’on avait retrouvé cinq téléphones chez lui ! » Marie-Pierre rit jaune. À sa mort, son frère, pompier volontaire et comédien amateur dans une troupe de théâtre, a ­souvent été décrit dans la presse comme un garçon « solitaire » et « renfermé », habitué aux « échanges vigoureux » avec l’administration. « Mon frère n’a jamais été violent, insiste l’avocate, il pouvait vous traiter de con, mais même à son pire ennemi il aurait offert un café. »

« Toujours le couteau et la ficelle dans la poche »

Paysan engagé, Jérôme s’était fait plus militant ces dernières années. À ses sœurs qui habitent en ville, il fait remarquer qu’elles n’ont pas la moindre idée de ce qui arrive dans leur assiette et taquine Marie-Noëlle sur ses ventes de soja OGM. Il fait une fixation sur les affichages « trompeurs » en supermarché et peut tenir des heures sur ­l’enfermement des exploitants dans un système d’aides qui les contraint à vendre à perte tout en les submergeant de documents à remplir et de normes à respecter.

« Il trouvait ça injuste que les petits paysans soient soumis aux mêmes règles que les mastodontes de l’agroalimentaire qui brassent des quantités de viandes phénoménales. Eux peuvent se permettre d’embaucher des gens pour remplir les formulaires. Pour le paysan, les papiers, c’est le soir, à je ne sais quelle heure. Je me souviens, poursuit Marie-Pierre, sa sœur avocate, Jérôme disait toujours : “C’est pas mon métier, ça me fait chier !” »

L’éleveur se rapproche de la Confédération paysanne en 2014. Unique employée du syndicat dans le département, Agnès Vaillant découvre un homme « très avenant, qui a tout de suite participé à la vie du syndicat ».C’est un mariage heureux : plus habitué aux néoruraux et aux productions atypiques, le syndicat qui milite pour le maintien d’une agriculture paysanne est ravi d’accueillir un jeune éleveur « de souche », qui fait de la viande, symbole du terroir local.

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Rapidement, Jérôme est de toutes les réunions. « On sentait qu’il avait besoin de contacts, d’échanger sur sa vision de l’agriculture qui n’était pas forcément celle des voisins. » Au moment de la fête paysanne, il est bénévole pendant trois jours. « Toujours la ficelle et le couteau dans la poche », il dépanne tout le monde en assurant à la fois l’intendance et la sécurité du site. Bon cuisinier, il prépare une blanquette pour cent cinquante ­personnes et amuse la ­galerie en mimant les éleveurs qui passent leur temps à mettre de l’azote dans les champs.

Dans l’année, l’éleveur est propulsé porte-parole de la section départementale. Il est chargé par le syndicat de discuter l’élaboration d’une charte destinée à « humaniser » les contrôles en agriculture. Aux yeux de la Confédération paysanne, le texte paraît inoffensif. Mais Jérôme refuse de signer. Sa virulence étonne. Dans la foulée, des rumeurs commencent à circuler. Le nom de Jérôme figurerait sur un tableau dans les bureaux des services vétérinaires. On parle de problèmes d’identification, de surmortalité, de limitations de mouvements du cheptel…

Le grand secret

« C’était pas des petites choses, il fallait qu’on sache pour pouvoir l’aider… » Agnès Vaillant décide d’en avoir le cœur net. Un soir d’avril, elle se rend sur la ferme accompagnée d’un autre éleveur, ­Bernard Tâton. « Il y avait les tracteurs, la voiture, on a frappé, on a fait le tour pendant un quart d’heure. On était prêt à repartir quand il a fini par nous ouvrir en expliquant qu’il “sortait de la douche”. » Délicatement, le duo s’emploie à ouvrir une brèche mais dès qu’on s’intéresse de trop près aux questions qui fâchent, l’éleveur botte en touche. Agnès lui propose un coup de main sur le logiciel qui permet de gérer l’inventaire de la ferme, il décline, « tout va bien ». À la fin de la soirée, les syndicalistes repartent « brassés », sans réponse à leurs questions. Nous sommes au printemps 2016, Jérôme est submergé d’injonctions depuis près de dix-huit mois. Il n’en a parlé à personne.

De sa naissance à sa mort, chaque bovin est suivi par un laissez-passer sanitaire, une paire de boucles d’oreilles numérotées et un passeport sur lequel doit impérativement figurer l’identité de sa mère. On appelle ça la « traçabilité ». Pour faire simple, la traçabilité, c’est l’étiquette « viande ­origine France » apposée sur l’entrecôte emballée au supermarché. Le concept s’est imposé à la fin des années 1990 dans le sillon de la crise de la vache folle. En théorie, il permet de suivre un animal de sa première pâture jusqu’aux assiettes. Pour les uns, c’est une réponse légitime aux inquiétudes des consommateurs. Pour les autres, un effort bien insuffisant qui laisse de côté le problème de la nourriture à base de farines animales ou les piqûres d’hormones. Jérôme, lui, dénonçait « une règlementation qui n’évite pas les lasagnes à la viande de cheval ».

Début 2015, Jérôme se voit interdit de vendre ses vaches ou de les conduire à l’abattoir. En dehors des naissances à venir, plus rien ne doit entrer ni sortir de l’exploitation.

Reste que, aux yeux de l’administration, identifier correctement ses animaux et tenir un registre de toutes les naissances, ventes ou décès est une procédure non négociable : s’en affranchir, c’est s’exposer à des sanctions. En 2010, Jérôme Laronze fait l’objet d’un premier contrôle de routine. Les agents relèvent quelques retards dans ses déclarations, mais ne s’alarment pas.

Quatre ans plus tard, en revanche, les contrôleurs de retour sur la ferme découvrent une situation moins ordinaire. Sur un cheptel de cent soixante bêtes, une quarantaine âgées de 4 mois à 1 an n’ont pas été déclarées dans le mois qui a suivi leur naissance, comme l’exige la réglementation. Jérôme pose les boucles à ses veaux, mais depuis quelques années, il déclare les naissances de façon très aléatoire. Une fois par an environ.

Pour l’administration qui découvre l’existence de quarante-cinq bêtes « sans-papiers », c’est « très insuffisant ». En janvier 2015, la direction départementale de la protection des populations, c’est-à-dire, les services vétérinaires, propose à l’éleveur de réaliser des tests de filiation génétique à ses frais pour prouver la parenté des animaux en perte de traçabilité. Jérôme y est totalement opposé. Il refuse de « justifier que la meu meu 9 094 est bien la mère du voveau 4 221 par des méthodes relatives à l’identification criminelle ». Un mois plus tard, il reçoit un courrier lui notifiant une « limitation de mouvements » de ses bêtes. En clair, l’élevage est gelé : Jérôme se voit interdit de vendre ses vaches ou de les conduire à l’abattoir. En dehors des naissances à venir, plus rien ne doit entrer ni sortir de l’exploitation. Sa source de revenus s’évanouit.

Catégorie éleveur « à risques »

Le trentenaire est entré dans la catégorie des éleveurs « à risques ». Désormais, les contrôles n’auront plus rien d’aléatoire. En juin 2015, les agents sont de retour sur la ferme aux volets bleus pour savoir où il en est. Cette fois, les services vétérinaires veulent tout voir : passeports des bovins, notifications de mouvements, documents d’équarrissage, factures, bons de livraisons, stocks de boucles, ordonnances, carnet sanitaire, compte rendu des visites vétérinaires…

De nouveau, quelques naissances n’ont pas été notifiées. Mais Jérôme a surtout fait l’impasse sur ses morts, anormalement nombreuses : une ­cinquantaine n’ont pas été déclarées. Dans l’exploitation, les inspecteurs notent la présence d’animaux malades laissés « sans soins adéquats ». Ils trouvent aussi plusieurs bêtes maigres et des jeunes en retard de croissance. Les agents estiment leur alimentation insuffisante. Dans les pâtures enfin, ils constatent la présence de deux cadavres de bovins « morts depuis manifestement plusieurs semaines ». Un procès-verbal est dressé contre l’éleveur et transmis au procureur de Mâcon. Il aboutira à une ­condamnation pour maltraitance animale.

Qu’est-il en train de se passer sur les hauteurs de Trivy ? L’éleveur cloisonne et ne dit rien à personne. Jérôme passe les week-ends avec la famille à jouer avec le chien et les enfants. 

Qu’est-il en train de se passer sur les hauteurs de Trivy ? À l’époque, l’éleveur cloisonne et ne dit rien à personne. Tous les mardis, il passe la journée avec son salarié sur l’exploitation. Ensemble, ils s’occupent du potager, des ruches, de mécanique, ou de réparer des clôtures. Le mardi, Antoine appelle ça « la journée de l’éveil ». Mais en deux ans, il ne verra les bêtes qu’une seule fois. Les rares occasions où des membres de la ­Confédération ­visiteront la ferme, ils ne se rendront pas sur les pâtures, ­parfois éloignées des bâtiments. Quant aux week-ends avec la famille, Jérôme les passe à jouer avec le chien et les enfants. Aux adultes, il parle livres et marche du monde.

Faute de mieux, ses sœurs essaient de comprendre a posteriori. Pour Marie-Noëlle, son frère s’est trouvé sans revenus face à un troupeau condamné à grossir : d’un côté, les animaux n’ont plus le droit d’être vendus, de l’autre, des veaux continuent de naître. Autant de têtes qu’il faut nourrir et soigner. Jérôme vit chichement, mais un élevage coûte cher. « Je vais pas m’occuper de bêtes qu’on va tuer ! », aurait confié l’éleveur à sa sœur, qui rappelle que la majorité du cheptel allait bien. Seules les bêtes « sans papiers » semblent ­délaissées.

Cinq bêtes dans le ruisseau

Un an plus tard, sur les quarante-cinq bovins dans le viseur de l’administration, il n’en reste plus qu’une quinzaine. Le 31 mai 2016, Jérôme reçoit effectivement l’ordre de les tuer. Il a ­quarante-huit heures pour les faire abattre. Comme tout ce que lui intime l’administration, il ne le fera pas. « Envoyer des bêtes au casse-pipe juste parce qu’on n’est pas sûr de l’identité de leur mère, ça lui ­paraissait ­invraisemblable », se souvient Marie-Noëlle. Le pli annonce aussi une nouvelle visite. Pour procéder au contrôle, l’administration exige cette fois l’immobilisation de tous les animaux. ­Isoler plus d’une ­centaine de bêtes en moins d’une semaine ? ­Impossible pour un éleveur seul face à un troupeau à demi ­sauvage. La semaine ­suivante, les agents se présentent sur la ferme accompagnés de gendarmes. Ils décident de procéder à l’identification des animaux directement dans les champs.

La suite, c’est Jérôme qui la raconte dans une lettre en forme de testament écrite peu de temps avant sa mort. Déployés dans une pâture où paissent une vingtaine de bovins, les agents auraient eu la « fantaisie de les serrer à l’angle d’une clôture en barbelé » avant de se ­communiquer les numéros des bêtes en « vociférant » de l’un à l’autre. Témoin d’un contrôle ultérieur, Agnès ­Vaillant, ancienne éleveuse, décrit le procédé : « Ils se dispersent autour des animaux, le premier lit le numéro aux jumelles et le répercute au deuxième, à cinquante mètres de là. Ils sont face à des bovins qu’ils ne connaissent pas, il y a du bruit, du mouvement. Des bêtes déjà sauvages, ça peut les affoler. C’est pas anodin de rentrer dans une pâture. »

Alors que les agents essaient de vérifier l’identité des animaux, Jérôme raconte que certains bovins, « paniqués par la meute hurlante, se sont précipités dans le ruisseau avec un fracas extraordinaire ». En bas du ravin, il découvre « cinq animaux […] ayant abondamment bu la tasse et lourdement souffert du piétinement des presque vingt autres ». Constatant qu’il ne peut les secourir à mains nues, il serait alors retourné à la ferme chercher son tracteur et des cordesavant que le contrôle ne soit interrompu.

« Des suites de cet “incident”, les cinq bovins périront », écrit l’éleveur dans sa lettre datée du printemps 2017. Dans un courrier officiel plus ancien, il assurait avoir perdu deux bêtes ce jour-là. ­Laissé seul après le départ des agents, Jérôme se rend à proximité du domicile de la responsable des contrôles « muni d’une corde et d’un tabouret ». Il veut en finir devant chez elle. « Manière de rendre à César les honneurs qui lui reviennent », écrit‑il dans sa lettre testament. Il finit par renoncer au petit matin.

On aurait dit qu’ils cherchaient un terroriste ! À la campagne, on a toujours côtoyé les gendarmes, des gens censés vous protéger. J’ai réalisé ce qu’il vivait, ça m’a atterrée.

Marie-Pierre, sœur de Jérôme

Quinze jours après ce fiasco, l’administration revient terminer le contrôle. Cette fois, elle a prévenu la Confédération paysanne de sa visite. ­L’éleveur n’est plus seul face aux trois contrôleurs qui arrivent à nouveau entourés de gendarmes. À ses côtés, Agnès Vaillant et Bernard Tâton, membres du syndicat, ainsi que sa sœur avocate, Marie-Pierre.

Arrivée la veille, celle-ci passe la soirée à le mettre en conditions. « Ce contrôle du 6 juin, ça l’avait traumatisé. Il a traversé quinze fois le village où il est né avec huit gendarmes autour de lui. Qui peut se remettre de ça ? » Le lendemain, c’est elle qui sort choquée du nouveau contrôle : « Je vois débarquer un commando qui prend possession de la ferme. Y en a un qui se met là, un qui se met là. On aurait dit qu’ils cherchaient, je sais pas, moi, un terroriste ! C’est la maison où j’ai grandi. À la ­campagne, on a toujours côtoyé les gendarmes, c’est des gens censés vous protéger. J’ai réalisé ce qu’il vivait, ça m’a atterrée. »

L’objectif de Marie-Pierre est simple : écarter les militaires. Elle obtient qu’ils restent dans la ferme alors que Jérôme et les agents vétérinaires gagnent les champs, puis carrément qu’ils s’en aillent. « À la fin de la journée, je me souviens que mon frère m’a dit : “Mais putain, c’est pas vrai, ça veut dire qu’il ­faudrait que tous les paysans aient un avocat pour qu’un contrôle se passe dans le respect de nos droits ?” »

Il faut voir ça avec l’huissier

Ce 22 juin, famille et fonctionnaires s’emploient à remettre à plat toute la situation administrative de l’éleveur. Les services vétérinaires passent l’éponge sur plusieurs défauts de notifications. Au début de l’été, Jérôme remet son matériel en état et recommence à nettoyer la stabulation, le bâtiment qui sert à abriter les bêtes. Poussé par ses proches, il procède aux tests ADN sur deux animaux, qui prouvent sa bonne foi. En août, l’administration lève la limitation de mouvements. Jérôme peut théoriquement recommencer à vendre ses bêtes.

Reste à récupérer les documents des bovins : passeports et laissez-passer sanitaires. Les premiers reviennent sans trop de mal, pas les seconds. Ceux-là doivent être rendus par l’EDE, un organisme privé qui gère l’identification des bovins au nom de l’État. Le dossier est bloqué en raison d’un impayé d’une centaine d’euros. Il faut voir ça avec l’huissier. Marie-Pierre raconte la suite avec lassitude : « Le temps qu’il traite le dossier, ça a pris dix jours. Le temps que l’EDE encaisse le règlement, ça a encore pris quinze jours. Finalement ses cartes vertes, Jérôme ne les a eues qu’en décembre. C’est juste de la folie. »

Entre-temps Jérôme a perdu pied. Il s’enfonce dans ce qui ressemble à une dépression. En septembre, la Confédération paysanne le démet de ses fonctions de porte-parole et lui conseille de se mettre en retrait « pour se recentrer sur son exploitation ». Il ne viendra plus aux réunions. À l’automne, il se rase le crâne et se laisse pousser la barbe. « De la provoc », disent ses proches.

Jérôme s’isole. En février, les sœurs remarquent une pile d’enveloppes non décachetées sur le ­buffet. « À la fin, il en avait tellement marre de tout ça qu’il ne conservait quasiment plus rien, toutes ces histoires de paperasserie, c’était devenu ­insupportable. » Sentant qu’elles le perdent, Marie-Noëlle et Marie-Pierre se tournent vers la gendarmerie puis le maire du village pour demander une hospitalisation d’office. « Je vous souhaite de ne jamais avoir à faire ça, raconte Marie-Noëlle les yeux rougis. Tout ce que le maire a su nous dire, c’est qu’il n’y connaissait rien en agriculture. » Il promet de se renseigner, les choses en restent là.

Le 11 mai, trois agents se présentent sur la ferme, avec six gendarmes pour recenser le cheptel en vue de sa saisie. Jérôme refuse de participer aux opérations qui signent l’arrêt de mort de son exploitation. 

À peu près au même moment, Agnès, au secrétariat de la Confédération paysanne, entend de nouveau circuler des rumeurs au sujet de cadavres d’animaux sur la ferme. « Les services vétérinaires m’ont confirmé qu’il y avait eu des morts et des absences de notifications. Ils étaient obligés de remettre la machine en route. »

Quelques jours plus tard, c’est Bernard Tâton qui reçoit un coup de fil. Bernard, c’est l’éleveur discret qui avait essayé de comprendre ce qui se passait en frappant à la porte de la ferme avec Agnès un jour de 2016. Ce matin du 10 mai 2017, à 11 h 07, il reçoit un coup de fil de la responsable en charge du dossier de Jérôme. La première fois qu’il a voulu évoquer cet épisode, il n’a pas réussi à aller jusqu’au bout, les mots sont restés dans sa gorge. La fonctionnaire le prévient d’une intervention prochaine, sans plus de précisions, sur l’exploitation de Trivy. Le moment tombe mal : en costume sombre, ­Bernard se rend aux funérailles de sa belle-mère. Il ne fait pas circuler l’information. C’est ça qui reste coincé dans sa gorge depuis qu’il sait comment a viré le dernier contrôle.

« Il est mort »

Le 11 mai, trois agents se présentent sur la ferme, accompagnés de six gendarmes. D’après plusieurs sources, ils ont pour mission de recenser le cheptel en vue de sa saisie. Perché sur son tracteur, Jérôme refuse de participer aux opérations qui signent l’arrêt de mort de son exploitation. Agents et hommes en armes partent inspecter la ferme avec le maire, appelé en qualité de témoin.

L’éleveur, seul dans la ferme aux volets bleus, appelle une amie pour confier sa détresse. ­Paniquée à l’idée qu’il puisse faire une bêtise, elle prévient les pompiers. Apercevant leur camion dans les rues du village, le maire remonte à la ferme voir si tout se passe bien. Jérôme, très calme, est en train de partager un café. Il lance : « T’as vu, Bernard, ce matin c’étaient les bleus, maintenant c’est les rouges ! » Rassuré, l’élu regagne sa mairie.

La situation dégénère quand les agents remontent des prés. Alors que pompiers et gendarmes insistent pour qu’il soit conduit à l’hôpital afin d’être pris en charge psychologiquement, Jérôme, à bord de son tracteur, prend la fuite à travers champs. De retour aux abords du village l’après-midi, il a troqué son tracteur contre une voiture de ville et croise la route d’une patrouille qui le prend en chasse. Une course-poursuite s’engage sur la voie rapide. Jérôme a toujours aimé la vitesse. La chaussée est glissante, la nationale ­réputée ­dangereuse. Les gendarmes lâchent prise. L’éleveur est poursuivi pour « violences aggravées » et « refus ­d’obtempérer ».

De son côté, le trentenaire en cavale entreprend de « faire campagne ». Il contacte le journal local pour dénoncer « l’hyperadministration qui n’apporte rien aux éleveurs sinon de l’humiliation et des brimades ». Pendant plusieurs jours, sa fuite fait quotidiennement les gros titres du Journal de Saône-et-Loire. Au volant de son tracteur, l’éleveur jure avoir simplement voulu « effaroucher » les forces de l’ordre. « J’ai toujours été courtois et je n’ai jamais manqué d’égard pour les contrôleurs. Mais ce jour-là, j’ai été pris de la colère du juste, comme Jésus avec les marchands du Temple. Le paysan, on le fait culpabiliser du matin au soir, et le jour où il se déculpabilise, on lui envoie les gendarmes », confie-t-il à un journaliste.

Il ne tente pratiquement pas d’entrer en contact avec ses proches. Persuadé d’être sur écoute, il finit par éteindre son téléphone. En réalité, les gendarmes n’ont pas accès à ses conversations mais suivent ses déplacements grâce à la géolocalisation de son portable et épluchent les numéros appelés. Marie-Noëlle les a presque tous les jours au téléphone. « Ils me demandaient si je connaissais tel ou tel numéro. Quand je savais, je leur disais. Ils disaient qu’ils voulaient l’hospitaliser, je ne me suis pas méfiée… »

« En agriculture, la pire calamité c’est pas la sécheresse, la grêle, le gel, c’est la calamité administrative qui pond des textes qui sont l’antimatière du bon sens paysan ! »

Terré quelque part, l’éleveur est introuvable. Marie-Noëlle pense qu’il rentre à la ferme de temps en temps « au moins pour recharger son téléphone et peut-être manger un peu. J’ai remarqué que du pain et du fromage avaient disparu, mais j’ai pas pensé à lui mettre des fruits. Je sais pas pourquoi j’ai pas pensé aux fruits… ».

Le 19 mai, au petit matin, un voisin signale sa présence sur la ferme. Sur les coups de 8 heures, trois patrouilles encerclent la maison. Un barrage est dressé aux deux extrémités du chemin. Une fois encore, Jérôme Laronze fausse compagnie aux gendarmes en se faufilant sur le bord de la route. Dans les heures qui suivent, au moins douze patrouilles sont déployées pour tenter de l’interpeller, en vain. « Jérôme connaissait le moindre chemin, ils n’avaient aucune chance », résume un proche.

Le lendemain matin, Marie-Noëlle croise deux gendarmes venus faire une ronde autour de la maison. Elle les sent tendus. « Ça faisait une semaine que mon frère les ridiculisait. Un paysan qui leur échappe deux fois, ils passaient pour les gendarmes à Saint-Tropez. Tout ce qu’ils m’ont dit c’est : on va essayer de faire ça proprement. » L’après-midi même, elle reçoit un appel du commissariat : « Venez, il y a du nouveau. »

À son arrivée, elle encaisse les informations comme si une bombe à fragmentation venait de s’écraser à proximité : « Il a foncé sur les gendarmes / ils ont tiré / il est mort. » Sa première réaction est de penser au jour où elle est venue leur demander de l’aide pour une hospitalisation d’office. Plus tard, elle apprendra que l’un des deux gendarmes croisés le matin est l’auteur des trois tirs mortels. « Je n’arrive pas à me dire que j’ai serré la main de l’homme qui a tué mon frère. » Au début de l’été, le militaire a été mis en examen pour « violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Marie-Noëlle est perplexe : « Il a tiré cinq balles, dont trois dans le corps… C’est à partir de combien l’intention de donner la mort ? Mon frère ne représentait aucun danger. »

Assoupi au volant de sa voiture au moment de l’arrivée des gendarmes, Jérôme Laronze, réveillé en sursaut, aurait foncé dans leur direction avant de se frayer un passage entre leur véhicule et le pré voisin. Se sentant menacés, les gendarmes ont fait feu. Mais d’après l’expertise balistique, aucun de leurs tirs n’a atteint l’avant de la voiture. Tous sont arrivés de côté ou de dos. Dans la Toyota de l’éleveur, les enquêteurs ont retrouvé une arme de la Seconde Guerre mondiale. Il n’a pas essayé de s’en servir.

« L’amour du sillon droit »

Après la disparition de l’éleveur, dans un communiqué poli, trois des principales organisations professionnelles agricoles locales – la FDSEA, les Jeunes Agriculteurs et le Groupement de défense sanitaire – ont exprimé leur soutien à la famille en dénonçant la solitude des éleveurs « face à la pression de l’administration et des contrôles ».

Plus discrètement, ils adressaient un deuxième communiqué à leurs adhérents indiquant que, dans le cas de Jérôme, il s’agissait « aussi d’un refus de suivre les règles auxquelles tout citoyen, agriculteur, artisan, entrepreneur est soumis ».Dans une interview, le président de la branche locale du principal syndicat agricole, la FDSEA, verra en Jérôme « quelqu’un qui n’était psychologiquement pas en phase avec la société dans laquelle on vit ».

L’éleveur, au contraire, s’est toujours trouvé très en phase : « Mon cas est anecdotique, mais il illustre l’ultraréglementation qui conduit à la disparition des paysans, confiait-il au journal local quelques jours avant sa disparition. Les dossiers de la politique agricole commune sont devenus tellement compliqués que les paysans paient des gens pour remplir leurs déclarations. Ils perdent la main sur leur propre exploitation. Pour avoir la paix, le paysan va signer tous les papiers qu’on lui tend. »

Dans son courrier en forme de testament rédigé au printemps 2017, Jérôme écrit : « Il nous est souvent reproché de ne pas être administrophile. On s’adresse à nous comme à des demeurés qui ne comprendraient pas ce qu’on leur demande, alors que c’est justement parce qu’on comprend bien où ça nous mène qu’on a du mal à le faire. Aujourd’hui, en agriculture, la pire calamité c’est pas la sécheresse, c’est pas la grêle, c’est pas le gel, c’est la calamité administrative qui nous pond des textes qui profitent toujours aux mêmes, abscons, contradictoires, contre-­productifs, absurdes qui sont l’antimatière du bon sens paysan ! »

Un peu plus loin, ces mots, à propos de confrères, petits paysans comme lui, qui se sont suicidés : « Ils étaient de ceux qui ne travaillent pas en priorité pour un salaire mais pour l’amour du travail bien fait, du sillon droit, des animaux bien conformés, du cep bien taillé, du lait propre et de la couleur des blés. Quitte trop souvent, et on doit le déplorer, à se laisser éblouir par l’agrochimie et autres doux leurres sources de douleurs. » 

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