Coquillages, crustacés et algues toxiques

Photo par Marc Lathuillière Écrit par Sonia Reveyaz
19 juillet 2024
Armelle Granie, directrice de relations client dans l’immobilier sur Paris, sur la plage de Saint-Michel-en-Grève (Bretagne, Côtes d’Armor). Elle est dérangée par un dépôt d’algues vertes effectué par les tracteurs qui nettoient la grève alors que, de passage, elle s’était isolée pour un bain de soleil sur cette plage de la Côte de granit rose. Longue de 4 km, celle-ci est l’une des plus touchées par les marées d’algues vertes, dont la prolifération est due à l’écoulement de nitrates dans la mer, ceux-ci provenant essentiellement des lisiers de porcs épandus sur les cultures. Leur accumulation peut entraîner des effets de pourrissement producteur d’un gaz mortel, le sulfure d'hydrogène (H2S). En 2009, un cheval y est mort du fait de ces émanations, son cavalier inconscient ayant été hospitalisé. L’été, les algues sont ramassées quotidiennement, bien que rien ne vienne enrayer l’importance de ces marées vertes. La Bretagne est de loin la première région de production de porcs en France, avec une grande concentration d’élevages intensifs dans les Côtes d’Armor et au nord du Finistère. Cette pollution, liée à l’élevage industriel, suscite de vives tensions entre le monde agricole, lobby très puissant en Bretagne, et les riverains des côtes du nord de la région.

En Bretagne, la saison estivale est ouverte, et, avec elle, celle des algues vertes. Se développant au printemps, ces « laitues de mer » sont présentes tout l’été, contrariant le farniente des plagistes, comme ici, à Saint-Michel-en-Grève dans les Côtes-d’Armor. Un peu plus au nord, la Côte de granit rose, longue de dix kilomètres, est l’une des plus touchées par les marées d’algues vertes. Depuis les années 1970, la Bretagne est confrontée à ce phénomène dont la prolifération est principalement due à l'élevage intensif, notamment de porc.

En 2022, Marc Lathuillière s'est rendu en Bretagne dans le cadre d’une enquête photographique autour de la viande, baptisée « Viande (On/Off) » : « Je m’intéresse aux rituels qui y sont associés, à sa production – élevage, abattage –, sa vente et sa consommation, mais aussi aux nouveaux habitus végétariens et vegan qui s'y opposent, aux enjeux politiques et écologiques – sécheresse, algues vertes, animalisme –, ainsi qu’aux alternatives qui nous sont proposées – insecte, viande cellulaire », explique le photographe français, qui a réalisé ce travail dans le cadre de la Grande Commande photojournalisme de la Bibliothèque nationale de France.

L’Armorique, qui est le premier territoire de production de porcs en France, avec une grande concentration d’élevages intensifs dans les Côtes-d’Armor et dans le nord du Finistère, a naturellement fait partie des étapes de son projet. « Un porc français sur deux provient d’un élevage breton », souligne le photographe.

Ramassage quotidien

C’est l’écoulement de nitrates dans la mer, provenant essentiellement des lisiers de porcs épandus sur les cultures, qui provoque la prolifération des algues vertes. En pourrissant, elles produisent du sulfure d'hydrogène, un gaz très toxique dont l’inhalation peut entraîner la mort. D’où la nécessité pour les collectivités d’organiser leur ramassage quotidien, avant que les algues échouées se décomposent. Dans le département des Côtes-d’Armor, trois personnes ont été retrouvées mortes depuis 1989 sur des plages ou des zones touchées par ces marées vertes.

« Cette pollution, liée à l’agriculture industrielle, suscite de vives tensions entre le monde agricole, lobby très puissant en Bretagne, et les riverains des côtes du nord de la région », rappelle Marc Lathuillière. En 2010, un plan de lutte contre la prolifération des algues vertes a été lancé par l’État et la Région Bretagne, sa seconde phase a été validée en 2017. L’enjeu est de maîtriser la prolifération des algues à l’horizon 2027. Et de rendre les bains de soleil sans danger.