Comment nourrir huit milliards d’êtres humains ? C’est la question que s’est posée le photographe Julien Goldstein pour son projet Entrée, plat, dessert, réalisé dans le cadre de la Grande Commande photojournalisme pilotée par la BNF. Il a commencé par inventorier les cinq aliments les plus consommés au monde : le riz, le poulet, le café, la banane… et la tomate ! Produite dans 170 pays, cette dernière est le fruit, en volume, le plus cultivé sur Terre, mais aussi en France. Selon l’Interprofession des fruits et légumes frais, chaque foyer français en consomme en moyenne 14 kg par an.
À la découverte des nouvelles manières de produire, Julien Goldstein a sillonné les régions productrices en France et en Europe, où la tomate a été importée d’Amérique du Sud au XVIe siècle. Celle des temps modernes n’a aujourd’hui plus besoin d’être gorgée de soleil pour pousser. En France, la Bretagne fournit 60 % de la production, devant les régions méridionales.
Sans terre et sans lumière
Le secret ? La culture industrielle hors-sol, une production réalisée sous serre, sur des rails suspendus. « Les plants poussent sur des pains de laine de roche. Ils sont alimentés par un système de goutte-à-goutte géré par un ordinateur, qui leur apporte les nutriments nécessaires », nous explique Julien Goldstein. « C’est une catastrophe écologique, poursuit-il, les sols sont bétonnés sur plusieurs hectares et les serres rejettent énormément de C02. » Selon le photographe, leur valeur nutritive restent à démontrer : « Ces tomates sont des nutriments de synthèse : éclairées par des LED, elles ne verront jamais la lumière naturelle ; en lévitation, elles ne toucheront jamais la terre de leur vie. »
La technique hors-sol, importée de nos voisins hollandais, est très efficace car elle permet le contrôle total de l’humain sur son produit. Mais ces « usines à tomates » demandent un grand investissement financier. La société Les Maraîchers de Normandie, où cette photo a été prise, a investi 80 millions d’euros pour produire sur deux sites de 25 hectares 20 000 tonnes de tomates par an tout au long de l’année. Mais selon la profession, le marché français de la tomate souffre aujourd’hui d’un manque de compétitivité en raison notamment de l’augmentation du coût de l’énergie : + 370 % entre 2021 et janvier 2022.