En coulisses  |  Écosystèmes

« Quand je dis qu’ils ont 30 000 vaches, pour moi c’est absurde »

Écrit par Anaïs Renevier
Au pays des éleveurs, le zébu, source de toutes les fiertés, est roi. Pour son projet photographique, Carolina Arantes a découvert une vision du monde aux antipodes de la sienne.
Dans les coulisses du récit Au Brésil, les enragés de la vache

Si elle a vécu à partir de ses 11 ans à São Paulo, Carolina Arantes est originaire d’Uberaba, une ville de l’État de Minas Gerais. Lors d’un séjour sur place en 2013, la photographe a remarqué que « le mot “zébu” figure dans les noms de nombreux lieux et commerces ». Elle en a ri avec sa famille : « On a la radio Zébu, le supermarché Zébu, la pizzeria Zébu… » De quoi attiser sa curiosité. Après quelques recherches, elle découvre que le Brésil est devenu le premier exportateur de viande au monde, devant les États-Unis. « Je me suis aussi rendu compte que cet univers de vaches était plein de non-dits. »

Difficile d’être acceptée dans ce milieu masculin et fermé, soupire-t-elle : « Au début, on me disait “Pourquoi tu ne fais pas plutôt des photos de mariage ?” ou encore “Tu veux te trouver un mari riche ?” » Mais lorsqu’au bout de deux ans, en 2015, la famille Rodrigues da Cunha l’invite à visiter sa ferme dans le Mato Grosso, elle saute dans une voiture. Munie des coordonnées GPS de la propriété, elle se retrouve alors sur l’une des routes les plus dangereuses du pays, une deux-voies essentiellement empruntée par des camions, ponctuée de stations-essence tous les 120 kilomètres. Le réseau 3G n’est plus qu’un lointain souvenir. En revanche, la nature, elle, est bien présente : « Il y a beaucoup d’animaux sauvages qui traversent la route. C’est également une zone de trafic d’or et de drogue. Les fermiers se rendent sur place en avion. Mes hôtes ne pensaient pas que je viendrais. Quand je suis arrivée avec ma voiture, ils m’ont prise au sérieux. »

Défi esthétique

Carolina Arantes obtient progressivement leur confiance, mais est « angoissée » à chaque publication de l’un de ses reportages : « Je pensais qu’ils ne m’ouvriraient plus leur porte, mais ils ont toujours été contents de m’aider. » La photographe découvre une vision du monde opposée à la sienne, centrée sur le commerce et la vente : « Quand j’écris qu’ils ont 30 000 vaches, pour moi c’est absurde, mais pour eux c’est une fierté. C’est une question de point de vue. » Carolina Arantes côtoie longuement les vachers, curieux de lui parler. Ils se montrent même généralement assez bavards – une gageure pour la photographe, qui cherche à rester concentrée.

L’immensité et la variété des territoires couverts lui posent un défi esthétique : comment trouver une unité visuelle. « La lumière diffère selon les régions, même si on retrouve souvent l’après-midi une lumière blanche typique au Brésil. » La photographe cherche comment s’approprier ce sujet « pas toujours photogénique. Il m’est apparu tellement irréel que j’ai finalement pensé mes images comme si c’était de la fiction ou du cinéma. Comme si je regardais quelque chose d’absurde. »

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