En 2011, j’ai 25 ans et j’assiste la photojournaliste Donna Ferrato dans son travail sur les femmes battues de Rikers Island. Devant l’entrée de cette prison située sur une île entre le Bronx et le Queens, il y a une « agence de cautionnement ». Avec ses néons et ses photos d’identité judiciaire de célébrités en vitrine, elle m’intrigue. Dans Manhattan, Brooklyn, Chinatown, il y en a beaucoup d’autres, toujours à deux pas des commissariats.
Avec mes yeux d’Italienne, je peine à comprendre ce bout de système judiciaire américain où semblent se mêler crime et sécurité. Jusqu’à ce soir de 2012, où je rencontre Bobby Zouvelos, un Grec marrant de 2 mètres, dans un bar de Tribeca. Il bosse dans une de ces agences et m’explique tout ce que je dois savoir. Dès le lendemain, il me prête un gilet pare-balles et m’amène dans des barres d’immeubles grisâtres où il recherche un fugitif. C’est le début de ce projet qui va m’occuper deux ans et déboucher sur le livre Bail Bond: Bondsmen, Defendants and Bounty Hunters (Fabrica, 2014).
Bobby me présente son frère George, le boss, un personnage. La journée, c’est calme. La nuit, quand il traque les prévenus, l’ambiance est tout autre. On entre à la lampe de poche dans des appartements où on tombe parfois sur de la drogue, des traces de sang. À Baltimore, les chasseurs de prime ont le droit de porter des armes. D’ailleurs, il y a très peu de contrôle et des armes partout, ça me terrifie. Au début, j’ai peur, j’ai du mal à prendre des photos – sans parler du manque de lumière : beaucoup sont floues. Les proches des prévenus sont vulnérables, apeurés : ils pleurent parce que nous cherchons leur fils, leur petit-ami, leur frère. Ils mentent pour ne pas qu’on les retrouve. Et moi, je dois demander des autorisations de publication pour mes photos. Je suis mal à l’aise mais assez surprise : la plupart acceptent sans poser de question. En fait, tout le monde est assez content de se montrer.