Documentariste pour la radio, je m’intéresse aux ambiances sonores du monde. J’avais entendu des enregistrements de chants de baleines à bosse, mais jamais dans leur milieu naturel. Et des cachalots, encore moins. Lorsque j’ai rencontré pour la première fois l’océanologue François Sarano dans sa maison de Valence, il m’a initiée à ces fameux clics qu’il imite à merveille, la langue claquant contre le palais dans des séries de staccatos virtuoses, et fait écouter des échanges entre cétacés, enregistrés par son équipe. Quand j’ai compris qu’il était capable, à partir de ces séries de sons, d’identifier l’émetteur, de donner sa taille, son âge et de comprendre une partie de ce qu’il exprime, j’ai eu très envie d’en savoir plus.
Un jour, lors d’une sortie d’observation en mer, j’ai essayé d’écouter grâce aux hydrophones. Au début, j’ai eu l’impression de ne rien entendre. Un brouillard à bas bruit, dominé par le clapot en surface, sur la coque du bateau, et des grognements sourds de moteurs. Quand, tout à coup, des cliquetis réguliers, faibles mais distincts, ont émergé. J’ai éprouvé une émotion immense de me sentir reliée en direct à ces animaux à plus de mille mètres sous l’eau. Quelques minutes plus tard, deux cachalots surgissaient à une centaine de mètres du bateau. Par plusieurs sauts phénoménaux, ces géants fabuleux nous faisaient la grâce de se rendre visibles.
