Pour circuler au Cap en toute sécurité et sans me contenter du paysage de carte postale, je chausse mes patins à roulettes, fidèles compagnons de voyage. Je longe le bord de mer en slalomant entre des bancs de sportifs, blancs majoritairement, accros à la marche dynamique matinale, dans le quartier de Green Point, coiffé de l’imposant stade du Cap. J’aperçois même l’équipe des Lions s’échauffer juste avant le coup d’envoi. C’est jour de match, et le rugby est le sport national.
Alors quand, six kilomètres plus loin, je discerne une clameur, je pense naïvement à un premier essai marqué. En m’approchant à contre-courant des cris, je croise des grappes de gamins s’échappant les yeux écarquillés, un étrange sourire amusé aux lèvres. Je ne m’attendais pas à trouver à l’origine de ce mouvement de foule deux hommes se menaçant chacun d’une hache. Je fuis à mon tour cette scène de violence ordinaire et trouve refuge à un petit pâté de bicoques, au marché du samedi du Old Biscuit Mill, repaire de bobos du centre-ville. Seul le quartier musulman, Bo-Kaap, aux pentes revêtues de pavés, a raison de mes patins.
Alors que nous y dînons avec l’équipe d’Afrigen et ses visiteurs tunisiens, par chance, aucune coupure d’électricité n’interrompt un autre match, de la Coupe du monde de football cette fois. Le Maroc se qualifie en quart de finale. La victoire de tout un continent se fait entendre au restaurant. Le fait que la rébellion vienne de l’Afrique, le continent le moins bien doté en infrastructures de production de médicaments, c’est ce qui m’a le plus plu dans cette histoire, où les rôles s’inversent. Pendant la pandémie, le petit labo Afrigen a été le seul au monde qui ait osé s’opposer aux géants pharmaceutiques.