« Le bateau est comme leur seconde maison »

Écrit par Nicolas Gastineau Photos par Ciro Battiloro

Il a été frappé du même maléfice que les pêcheurs qu’il a cotoyés : la mer le rappelle sans cesse. Invité pour une résidence artistique de deux mois à Deauville en 2022, le photographe napolitain Ciro Battiloro, qui a l’habitude de travailler en noir et blanc, est revenu « six ou sept fois en deux ans ». Ayant documenté auparavant la vie des travailleurs marginaux du sud de l’Italie, il a voulu chercher ce qui se cachait derrière la ronronnante bourgeoisie des planches de la plage de Deauville. « J’ai compris qu’à l’origine, Deauville, Trouville et Honfleur étaient de petits villages de pêcheurs. Je me suis demandé ce qui avait subsisté de cette tradition. »
 
À Trouville, les premiers pêcheurs qu’il rencontre sont curieux de ce photographe étranger mais ne l’invitent pas en mer ; la vie y est rude et les réglementations contraignantes. À Honfleur, il a plus de chance et rencontre des pêcheurs chaleureux, accueillants et « un peu fous » qui embarquent ce drôle d’oiseau en mer. « Je veux accéder à l’intimité de la vie des sujets que je photographie. C’est pourquoi j’ai l’habitude de les voir à leur domicile. Mais j’ai réalisé qu’ici, il fallait embarquer car le bateau est comme leur seconde maison. »

Bouger au rythme des vagues

Le voilà au beau milieu de la Manche, sous une pluie fine et perçante à chercher son rythme dans la danse des pêcheurs affairés. « Sur le bateau, je devais savoir où me positionner à chaque instant. C’est intense. Il y a des équipements lourds, des filets qui passent, le vent qui souffle. » Pour un photographe qui a l’habitude des intérieurs, le défi était de taille. Ciro Battiloro ne veut surtout pas les gêner alors il apprend, il observe, calcule les risques, apprend à bouger au rythme des vagues avec son appareil analogique.
 
Mais après les remous vient la sérénité. Le photographe a été fasciné par l’alternance de séquences où chaque minute est dictée par les aléas de l’eau, et d’autres où le temps est suspenduLes pêcheurs sont alors tranquilles, méditant au milieu de la Manche, « dans une attitude qui inspire quelque chose d’ancestral, de spirituel. Encerclés par l’infini ». 

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