XXI : Depuis quand la mode emprunte-t-elle les codes du sport ?
Jusqu’au début du XXe siècle, les frontières entre les sphères sociales du sport et de la « vie en ville » étaient bien séparées, puis elles ont commencé à s’estomper. Non seulement certains éléments sportifs peuvent désormais être portés en ville – le polo, par exemple –, mais le sport devient une source d’inspiration pour des vêtements qui ne sont pas nécessairement utilisés pour une pratique sportive, comme le sweat-shirt. Le tournant entre le XXe et le XXIe siècle a consacré le sportswear comme une influence dominante dans l’industrie de la mode. Cette tendance s’inscrit dans une évolution plus vaste, celle de l’« informalisation » : on constate une montée des styles informels dans l’habillement, y compris au travail.
Qu’est-ce que cela a rapporté à l’industrie de la mode ?
Le sportswear l’a amenée à repenser ses inspirations stylistiques et donc à proposer des panoplies élargies. Des marques comme Dior ou Gucci ont profité de ce changement pour se réinventer. Ces ponts permettent de toucher les jeunes, qui sont des vecteurs du « cool » mais aussi les consommateurs de demain. Le mélange des genres attire à la fois par son aspect stylistique, mais aussi parce qu’il permet aux marques de mode de développer un storytelling qui parle à ces générations.
Est-ce que cela rend la mode plus accessible ?
Stylistiquement, oui, mais pas forcément financièrement, puisque les grandes marques ont réussi à imposer des tarifs de luxe pour des vêtements auparavant plus populaires et moins chers. En ouvrant la mode aux jeunes et à la culture urbaine, le sportswear a cependant fait bouger des lignes de démarcation stylistiques anciennes. Ainsi toutes les générations et toutes les classes sociales peuvent porter des polos aujourd’hui. Lacoste est l’exemple parfait de cette transformation : la marque a complètement embrassé l’image « des courts de tennis dans les banlieues » contre laquelle elle a longtemps lutté. Elle s’est même associée à des rappeurs, ce qui était inimaginable auparavant. Le secteur du luxe se veut plus accessible, et choisit ses égéries en conséquence. Mais ses prix ne cessent d’augmenter, notamment les collections streetwear, qui sont les plus demandées.