C’est en 2003 que la plupart des pays d’Europe ont instauré un régime fiscal d’exception pour leurs armateurs. Depuis, les activités maritimes de la CMA CGM, comme celles de ses homologues, sont seulement assujetties à une taxe dite « au tonnage », c’est-à-dire un prélèvement calculé sur ses capacités de transport, et non sur ses profits. À l’origine, les concepteurs de ce système avaient pour but de protéger les compagnies européennes contre la concurrence asiatique. Mais ces mêmes compagnies ont dégagé d’énormes marges lors de la pandémie de Covid-19, qui a désorganisé puis surchauffé le trafic et multiplié par dix le prix du fret.
Ainsi en 2021 et 2022, la CMA CGM a empoché, grâce à cette explosion des tarifs, 42 milliards d’euros de bénéfices, mais n’a été imposée qu’à 2 % de son chiffre d’affaires, puisque la taxe au tonnage continue de s’appliquer. Cette niche fiscale, dont le groupe de Rodolphe Saadé – en tant que plus gros armateur de l’Hexagone – est le principal bénéficiaire en France, a représenté un manque à gagner pour le Trésor public de plus de 10 milliards d’euros en trois ans. Le ministère des finances a en effet évalué ces pertes à 3,8 milliards d’euros pour 2022, 5,6 milliards pour 2023 et jusqu’à présent 1,1 milliard pour 2024.