Roland Jourdain mène WeExplore, le deuxième bateau de l’expédition Whaleway cette année (lire notre article « Du danger d’être cachalot à Toulon »). Vainqueur de la Route du rhum en 2006 et 2010, il navigue à la voile, ce qui lui permet des approches sans bruit, tout en délicatesse. Venu à la voile par amour de la nature, le navigateur breton a connu un accident avec un cétacé, lors du Vendée Globe 2008-2009.
Il se posait déjà des questions sur la cohérence des courses au large, qui mènent à des dépenses énergétiques démesurées. Un jour, alors en deuxième position au large de l’Argentine, il est brusquement réveillé par un choc violent. Sortant de sa couchette, il découvre la mer devenue rouge et repère un rorqual blessé. « Je ne veux plus jamais vivre ça, martèle Roland Jourdain, encore affecté. J’étais venu jouer sur son terrain de vie et lui, il avait peu de chance de survivre à sa blessure. »
Douloureuse série
Rétrospectivement, le navigateur repense à cette collision comme le plus douloureux d’une série d’épisodes qui l’ont mené à infléchir sa démarche de sportif de haut niveau, et chercher des solutions pour réduire son empreinte carbone avec des matériaux biosourcés. « Personne n’en parlait, à l’époque. » Ce fils de paysan devenu marin navigue aujourd’hui sur un bateau fabriqué pour moitié en fibres de lin. « Je suis heureux de naviguer sur mon champ de lin normand, qui a poussé face à la mer ! »
Cette année, Roland Jourdain a pu observer quatre femelles cachalots dans un moment de grand calme, en socialisation, c’est-à-dire ni en chasse, ni en train de dormir, mais dans des jeux et des caresses. Habituées au bateau silencieux, elles se laissaient observer, et le navigateur pouvait voir leur front bombé en haut de leur étrange tête parallélépipédique sortir de l’eau. « Quand on regarde le vivant, il ne gaspille pas l’énergie. Ça fait réfléchir. La grande majorité des animaux vivent en coopération, pas en compétition. »
