Longtemps, l’Afrique a été portée en épithète par le pouvoir politique français. Afin d’asseoir le rayonnement de Paris, il était de bon ton de se draper dans les plis du continent. Il y eut ainsi « Giscard l’Africain », puis « Mitterrand l’Africain » et « Chirac l’Africain ». Comme en un rituel bien rodé, l’expression apparaissait dans les médias à l’aube de chaque rencontre entre la France et l’Afrique. Et nul n’y trouvait à redire.
Ce temps-là n’est plus. Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy ne revendique pas l’épithète. Et c’est même bien volontiers qu’il semble l’abandonner à Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire. Ce changement de statut n’a guère été relevé. Il est significatif : le continent africain sort des radars de la France.
Cette évolution se ressent dans les médias qui, à de bien rares exceptions, ont déserté le continent. Les nouvelles venues d’Afrique se réduisent à quelques dépêches lapidaires. Les pirates de Somalie, la terreur de Mugabe, les émeutes de la faim... Même la crise du Darfour semble ne plus devoir mériter l’attention.
L’usure est là, certaine. Mais de quelle usure s’agit-il ? Trop de discours ont été tenus sur l’Afrique. Des « afro-pessimistes » aux Sanglots de l’homme blanc en passant par les Désirs d’Afrique, le continent s’est toujours prêté aux analyses venues d’ailleurs. Plus que sujet, l’Afrique a été tenue pour un objet. Un objet qu’il convenait de façonner et travailler sans trop s’appesantir sur « la matière » dont il était question.
Elle est pourtant au cœur. En un demi-siècle, 900 millions d’hommes, femmes et enfants du continent ont été emportés par d’incroyables bouleversements. Des indépendances des années 1960 à l’affrontement Est-Ouest jusqu’à la chute des partis uniques et la mondialisation, l’Afrique a parcouru en accéléré un chaotique chemin.
C’est ce chemin que « XXI » entend raconter. Au travers de quatre récits. Ces récits sont du dedans. Ils témoignent. Et donnent à voir, à entendre, à comprendre. Ils balayent les problématiques du continent par en-bas, par des voix africaines.
Dans l’éditorial du numéro 2, nous citions le grand reporter polonais Ryszard Kapuscinsky, envoyé spécial pendant vingt ans en Afrique. Il affirmait, rappelions-nous, que le journalisme devait « construire une image globale à partir de détails ». C’est très exactement le sentiment que nous avons éprouvé en travaillant à ce dossier « Destins d’Afrique ».