Revue XXI n°10

La France au Rwanda

Il s’est produit, en 1994 au Rwanda, un génocide, celui des Tutsis. Pour François Mitterrand, alors à l’Elysée, « un génocide dans ces pays-là », ce n’était « pas très important ». Jusqu’à sa mort, il minimisa. Seize ans plus tard, « XXI » rouvre le dossier.
Printemps 2010
La France au Rwanda

Il fallut à Treblinka une année pleine pour tuer huit cent mille personnes. Achevé dans le secret en juillet 1942 et détruit en août 1943, le camp voué à la « solution finale » était techniquement le plus avancé et le plus élaboré créé par le régime nazi. Il fallut cent jours au Rwanda pour tuer huit cent mille personnes. Il n’y eut ni camp ni secret. Le taux d’efficacité de la « besogne » fut plus de trois fois supérieur au « rendement » déjà exceptionnel de Treblinka.

Les intentions de génocide du régime nazi étaient établies bien avant que la « machine à mort » ne soit mise en marche. Dès 1922, le chef du parti nazi, Adolf Hitler, en fait part au journal allemand Der Gerade Weg. « Lorsque je serai réellement au pouvoir, ma toute première tâche consistera à annihiler les Juifs », déclare-t-il.

La possibilité de génocide au Rwanda était établie plus de trois ans avant. Dès le 15 octobre 1990, l’ambassadeur de France à Kigali mentionne dans un télégramme diplomatique le risque d’une « élimination totale des Tutsis ». Trois ans plus tard, autre télégramme : le président rwandais aurait intimé « l’ordre de procéder à un génocide systématique en utilisant, si nécessaire, le concours de l’armée et en impliquant la population locale dans les assassinats ».

À l’heure même où était célébré le cinquantenaire de la défaite de l’Allemagne nazie, alors que François Mitterrand, le 10 juin 1994, à Oradour-sur-Glane, déclarait solennellement « Nous ne voulons pas que cela recommence », « cela » avait recommencé et il le savait. Depuis plus de deux mois, il en était le premier informé.

Des machettes furent utilisées, mais des grenades, des balles, des fusils, aussi. L’armée rwandaise intervint et prit sa part du « fardeau ». La police et la gendarmerie également. Comme les services publics : il fallait bien des bennes pour ramasser les morts, il fallait bien des pelleteuses pour enterrer les corps, il fallait bien des médecins pour lutter contre les infections...

Surtout, toute notion de responsabilité fut rapidement diluée. Il n’y eut, pour cette extermination, pas de camps, pas de hiérarchie officielle, pas d’ordres écrits. Il n’y eut qu’une « masse ». Celle-ci n’était pas collectivement coupable, mais ses « bergers » parvinrent à lui faire endosser la responsabilité du crime.

Ils furent aidés, par Paris. Et plus exactement par François Mitterrand qui, jamais, ne voulut le reconnaître. Paris livra des armes, soutint le régime génocidaire, nia le crime. Les faits ne sont pas contestables. À sa manière, l’ancien Premier ministre Edouard Balladur en fit d’ailleurs l’aveu dans un courrier du 9 juin 1998 : « Il n’était pas question aux yeux de François Mitterrand de châtier les auteurs hutus du génocide. » Pourquoi ce refus de « châtier » les auteurs du génocide ? Pour y répondre, « XXI » s’est replongé dans le dossier. Les trois récits qui suivent apportent chacun des éléments de réponse et de compréhension. Ils sont à la hauteur de la question.

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