Un nouveau monde s’écrit. Sous nos yeux, la tectonique des puissances est à l’œuvre. La chute du mur de Berlin, qui marqua la fin de la guerre froide, a brisé le ressort de la confrontation Est-Ouest. Elle marquait la victoire pour les Américains, la réconciliation du continent pour l’Europe, la paix retrouvée pour le monde. C’était trop simple.
Longtemps maître du jeu, l’Occident venait de perdre son ancrage. L’Est-Ouest était une banquise. Celle-ci éclatée, il se mit à dériver doucement dans un monde appelé « multipolaire » faute de mieux. L’intervention de l’Otan en Afghanistan, caravansérail de l’Asie, témoigne de ce flottement. Forgée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale entre l’Europe et les États-Unis, l’alliance militaire se trouva sommée de s’inventer un avenir. Et décida de s’engager aux côtés des États-Unis dans le bourbier afghan.
L’Asie nous paraissait lointaine et souvent misérable. Attachés à l’histoire, nous gardions en tête les rajahs, Angkor, le trésor des armées impériales chinoises, la Route de la soie, la poussière de Calcutta, la pauvreté des rizières... Vingt ans ont suffi pour que s’effacent ces cartes postales. Nous redécouvrons le monde. Et l’Asie, le plus grand des continents (30 % des terres émergées), le plus peuplé (60 % de la population mondiale), le plus jeune aussi, s’impose avec force.
Des millions d’hommes et de femmes ont traversé mille épreuves. Libérés de leurs entraves, ils rêvent d’un futur. Le géant Gulliver se redresse, il bouillonne d’une énergie rare. Jour après jour, le regard maintenant dessillé, nous relevons cette vitalité. Nous découvrons une prodigieuse capacité d’adaptation. Nous devinons aussi dans les peuples d’Asie une confiance en l’avenir qui nous a quittés.
C’est pour cela que nous avons décidé de parcourir les routes de ce continent en marche : nous voulions voir ce qui est en train de se jouer au ras du sol, et non à Bangalore, Shanghai ou Saigon, ces vitrines technologiques des marques occidentales et des firmes mondiales.