Il est aujourd’hui deux murs en Israël. Et ces deux murs racontent chacun une histoire bien différente.
Le premier est au cœur de l’identité israélienne. Seul vestige du Second Temple, le Mur des lamentations est le haut lieu de la religion juive. Chaque année, dans les fentes du Mur, sont glissées des milliers de prières. Chaque année, aussi, s’y déroule une commémoration en mémoire des soldats morts pour la patrie. Mais ce mur, long de 57 mètres dans sa partie visible, sert également de soutènement à l’esplanade où sont construits le dôme du Rocher et la mosquée al-Aqsa, troisième lieu saint de l’islam sunnite, après La Mecque et Médine. Étrangement donc, ce mur rassemble. Plus que d’une division, il témoigne d’une histoire entremêlée, de destins liés.
Seulement, il est aussi en Israël un second mur, de facture bien plus récente. Officiellement, les autorités l’ont baptisé « grillage de séparation » ou « clôture de sécurité ». En réalité, il s’agit bel et bien d’un mur. Sa construction a démarré en 2002, il devrait s’étendre sur sept cents kilomètres. Sa finalité tient dans son intitulé : séparer Israéliens et Palestiniens. Ces deux murs, celui des Lamentations et celui de la « séparation », posent une question simple : à quel prix des siamois peuvent-ils se détacher ?
Dans ce sourd conflit intérieur qui dure depuis maintenant plus de vingt ans, le handicap est du côté du plus fort. Ce handicap, les autorités israéliennes l’ont longtemps masqué, en se faisant orfèvre dans la bataille médiatique et en attisant les feux de l’union sacrée.
Mais le temps, suspendu à un processus de paix figé – qui fait dire à Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France, que, « dans ces conditions, on aura le “processus” jusqu’à l’avènement du Messie, mais jamais la paix » –, fait peu à peu œuvre d’érosion.
Les États-Unis et la Turquie, deux alliés essentiels de Tel-Aviv, prennent des distances. La diaspora juive, longtemps alignée, retrouve de la voix. Une récente pétition, signée par de nombreux intellectuels, évoque une politique « suicidaire ». « Oui, il y a bien deux Israël, écrit Elie Barnavi dans une réponse à Régis Debray. Le mien, tourné vers le monde séculier et rationnel ; et l’autre, idolâtre, centré sur une terre divinisée [...] Entre les deux, il n’y a pas de compromis possible. »
Tels sont les deux Israël que nous avons décidé d’explorer.