La tectonique des plaques est à l’œuvre, un nouveau monde est en train de s’écrire. En 1989, la chute du mur de Berlin marquait la fin de la Guerre froide, issue elle-même du gigantesque chambardement que fut la Seconde Guerre mondiale. Vingt ans plus tard, l’onde de choc financière partie des États-Unis, pièce maîtresse du monde occidental, n’en finit pas de bouleverser la donne. Quatre ans après son déclenchement, la crise gagne le monde réel. Après avoir terrorisé les banques et les institutions de la planète, elle trouve un début de traduction dans le quotidien des peuples. Et ce n’est qu’un début.
L’Europe, deuxième bastion occidental après les États-Unis, est emportée par la vague, les mêmes causes – l’endettement excessif, public et privé – produisant les mêmes effets. À la fin des années 2000, les saisies immobilières aux États-Unis faisaient les titres des journaux américains. Elles font maintenant la une des journaux européens. Après l’Irlande, l’Espagne voit s’écrouler son rêve immobilier.
Coincés – comme l’éternelle rivale l’Angleterre – par la nostalgie de ces colonies où le soleil ne se couchait jamais et la proximité avec une Allemagne – longtemps adversaire – devenue géant de l’Europe, les responsables politiques français se trouvent pris en étau entre un ancien monde qu’ils ont connu et un nouveau qui reste à écrire. « Les politiciens baby-boomers risquent de casser le projet européen auquel ils ne comprennent rien, avant que les générations “Erasmus” ne puissent entrer en jeu », notait dès 1989 Franck Biancheri, un des initiateurs du programme « Erasmus » vite devenu le point de ralliement des étudiants à travers l’Europe.
Et pourtant le temps presse. Un monde est en train de se défaire – l’Europe tend la sébile aux pays du « tiers-monde » qu’elle regardait avec arrogance voici peu. Et un autre émerge – Inde, Mexique, Pologne, Angola, Colombie, Roumanie, Chine, Vietnam, Brésil, Malaisie, Afrique du Sud regardent droit devant, voient l’horizon et n’ont pas peur des obstacles.
C’est de cet étonnant et surprenant monde à venir qu’il est question dans ce numéro. Derrière les secousses, de formidables énergies irriguent la planète. Et le vieux continent, fort de son histoire et de ses expériences, n’est pas à l’écart du mouvement. Nos « cousins d’Europe » en témoignent.
