J’avais déjà commencé mon enquête sur Rodolphe Saadé lorsque ce dernier a publiquement déclaré ses visées sur BFM-TV. Quatre jours après cette annonce, le 19 mars, il a rendu visite aux équipes de la chaîne d’info en continu. Il leur a lâché qu’il « ne réagirait pas bien et le ferait savoir » si ses médias étaient amenés à traiter un éventuel scandale touchant aux activités de la CMA CGM, ajoutant qu’il était toujours « particulièrement déçu » de lire « seulement un petit encart dans [ses] journaux » quand son groupe réalisait « quelque chose de bien ». Le genre de propos qui, pour tout journaliste, doit sonner l’alerte. Celle-ci a résonné aussi fort qu’une sirène quarante-huit heures plus tard, lorsque le directeur de la rédaction de La Provence, quotidien appartenant au même Saadé, a failli être limogé.
Avant ces événements, j’avais bien évidement tenté de rencontrer le patron de la CMA CGM ainsi que sa sœur Tanya puisqu’elle est la fois copropriétaire du groupe et chargée de sa communication. J’ai réitéré maintes fois mes demandes auprès du service de presse qui m’a d’abord répondu que leur agenda était excessivement chargé sans pour autant m’opposer une fin de non-recevoir. Après la séquence de La Provence, le « peut-être » est devenu un « non » franc et massif.
J’ai pu toutefois, à force d’insister, pénétrer dans la tour et m’entretenir avec des proches collaborateurs du PDG. De nombreuses personnalités du monde des affaires ou de la politique, qui le côtoient depuis longtemps, ainsi que des salariés de sa compagnie ont accepté de me parler (parfois en off mais pas toujours). Avant ou après que la consigne de silence a été donnée.