En pleine nuit, les candidats à l’École 42 participent au programme intensif baptisé « la Piscine ». Ils ont un mois pour apprendre un langage informatique – le « C » – et ainsi s’essayer, en complète autonomie et à un rythme effréné, aux méthodes de cette formation qu’ils convoitent. « Ils bossent comme des dingues, de douze à quinze heures par jour. Certains dorment même sur place », témoigne le photographe Cyril Marcilhacy, qui a passé plusieurs semaines en 2022 dans les locaux parisiens de l’école dédiée à l’informatique. « Pour y accéder, j’ai dû expliquer ma démarche et montrer patte blanche, puis j’ai pu photographier librement. »
Son immersion s’inscrit dans un projet initié en 2021 sur la « French Tech » et la « start-up nation », pour lequel il interroge l’impact des pratiques managériales sur la vie privée ainsi que l’injonction, de plus en plus pressante, au bonheur. À côté des moments passés devant l’écran, les candidats à l’École 42 se voient proposer des « événements pour décompresser, relate le photographe français, comme des soirées mousse, des cours de yoga, des concerts…»
Dans la « galaxie Niel »
Fondée en 2013 par Xavier Niel, l’École 42 propose une formation sur trois ans, gratuite et accessible à toute personne majeure. Aucun diplôme ni expérience en programmation ne sont requis. Seule condition d’admission : réussir l’épreuve clé de la Piscine. Un moyen d’être inclusif et de s’adresser aux personnes éloignées du monde de la tech. « Au cours de mon travail sur les start-up, j’ai découvert que la majorité des personnes qui évoluent dans cet univers sont issues de milieux très favorisés. » Chaque année, près de 4 000 candidats tentent le concours de 42, pour seulement un quart d’admis. « Toute une génération veut intégrer ces entreprises d’informatique, dont le système de management est très inspiré de la Silicon Valley. »
À l’issue de la formation, les élèves diplômés de 42 rejoignent les grandes entreprises du secteur, et particulièrement celles de la « galaxie Niel », comme l’atteste Cyril Marcilhacy : « J’ai retrouvé de nombreux anciens étudiants de l’école chez Free ou à la Station F, le plus grand incubateur mondial de start-up ».
En 2019, le président de la République avait fixé l’objectif de 25 « licornes » – entreprises valorisées à plus de 1 milliard de dollars – pour 2025, finalement atteint avec trois ans d’avance. Le projet du photographe a pu voir le jour grâce à la Grande Commande photojournalisme de la Bibliothèque nationale de France (BNF). Il l’a amené à visiter plusieurs lieux emblématiques de l’industrie du numérique, comme les locaux de l’entreprise de reconditionnement informatique Back Market, troisième licorne française en matière de chiffre d’affaires, ou encore le salon VivaTech.