OnlyFans ou l’industrie de l’intimité

Écrit par Nicolas Gastineau Illustré par Antoine Moreau-Dusault
30 juin 2025
marionnette d’influenceuse numérique
Caro, Sophie, Abigail… Sur la plateforme numérique, ces « créatrices » arborent des plastiques avantageuses, comptent des centaines de milliers d’abonnés et promettent à chacun une relation authentique – entretenue en réalité par des « chatteurs ». Un business tout à fait légal, mais contre lequel des actions en justice ont été engagées aux États-Unis.
19 minutes de lecture

C’est elle, James en est sûr. Abigail Ratchford est attablée au Boa Steakhouse, un de ces restos de la côte californienne qui sert un bœuf wagyu avec un chardonnay à 100 dollars la bouteille. C’est une vraie mannequin, brune de 1,73 m aux courbes improbables. Le quadragénaire – qui ne veut pas donner son vrai prénom – l’a facilement reconnue puisqu’en un sens, il la connaît déjà : il lui a payé plusieurs centaines de dollars en ligne, en échange d’un peu de son attention et de pas mal de contenus intimes. Il est son abonné sur OnlyFans.

Lancée en 2016, cette plateforme a réussi l’exploit de mettre le désir sous paywall. Pour accéder au profil et à la messagerie privée d’un « créateur », il faut s’acquitter d’un abonnement mensuel – dont le prix court de zéro à cinquante euros – puis de paiements réguliers, les PPV (pay per view, paiement à la séance). Rapidement, il est apparu que l’immense majorité des créateurs d’OnlyFans étaient des créatrices, et les utilisateurs des hommes leur achetant des contenus érotiques en tous genres : photos, vidéos, messages vocaux, textos.

Fantasmes et turgescence

Et si les clients paient alors qu’Internet est déjà inondé de porno gratuit, c’est qu’OnlyFans offre une promesse de relation intime. La créatrice répond à celui qui lui envoie des dons en argent, voire des cadeaux, comme du maquillage ou des vêtements. En échange, elle retient le nom de son fidèle abonné, lui témoigne de l’intérêt, l’interroge le matin sur sa turgescence, s’enquiert de ses fantasmes, y remédie avec des vidéos sur mesure. Dans la lucarne blanc et bleu des messages privés, une relation s’instaure.

L’explosion d’OnlyFans remonte à la pandémie de covid-19 : rien qu’entre mars et avril 2020, le nombre d’utilisateurs a bondi de 75 %. Parmi eux se trouvait James. Il était célibataire, se sentait seul, claquemuré à la maison et, comme beaucoup de ses concitoyens, il avait « de l’argent à dépenser grâce aux aides d’urgence accordées par le gouvernement américain ». Il voulait rester discret, alors nous avons correspondu par mail pendant plusieurs semaines, aux heures américaines. En quatre ans, il dit avoir dépensé près de 10 000 euros sur la plateforme.

Les petites mains des multimillionnaires

Sauf que ce soir-là, au Boa Steakhouse de Los Angeles, le roi est nu. James observe Abigail Ratchford rire avec ses amies, son téléphone posé sur la table. Elle est pourtant en ligne sur OnlyFans au même moment, réactive et bavarde. À l’évidence, ce n’est pas à elle qu’il parle. Sans doute ne lui a-t-il jamais parlé d’ailleurs. En réalité, il échangeait avec un « chatteur », un employé engagé par une agence au service de la créatrice pour interagir avec ses fans. « Imaginez le manque à gagner engendré par le fait de ne pas pouvoir répondre aux demandes pendant toute la nuit ?! » justifie un jeune agent français qui ne souhaite pas révéler son identité.

Chez les « 1 % » et à plus forte raison les « 0,1 % » – les créatrices du sommet de la pyramide –, le recours à ces petites mains est très majoritaire. Grâce à leurs équipes connectées 24 heures sur 24, ces femmes d’affaires se sont rapidement taillé la part du lion, attirant à elles seules dès 2020 un tiers de l’argent qui arrive sur la plateforme. Les créatrices qui mènent la course sont toutes multimillionnaires. Sophie Rain, une jeune Américaine de 20 ans, parfaite anonyme qui s’est lancée sur OnlyFans en novembre 2023 et a connu un succès inouï, aurait généré en l’espace de quinze mois 63 millions d’euros brut. L’information provient d’une capture d’écran qu’elle a elle-même partagée, triomphale, en février 2025, sur son compte Twitter.

Industrialiser l’intimité

De son côté, l’entreprise propriétaire, Fenix International Limited, qui ponctionne 20 % sur chaque transaction, a généré 6,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2024, grâce à plus de quatre millions de créateurs. Dans le monde francophone, une petite sœur d’OnlyFans est apparue dès 2019 : la plateforme Mym, qui revendiquait 14 millions d’utilisateurs en 2023.

En quelques années, ce nouveau modèle a réussi à renvoyer la pornographie traditionnelle – films et sites Internet – dans le club du monde d’avant, quelque part entre les cabines téléphoniques et les walkmans. À la place d’une consommation verticale, chacun dans son coin, OnlyFans promet la possibilité de « développer des liens authentiques » entre fans et créatrices. Ou comment industrialiser la relation intime, vendre du personnalisé à des millions de clients en même temps.

Coucou bébé, je suis super contente que tu sois ici avec moi.

Carolina Samani, 400 000 abonnés sur Instagram

Le milieu ne se laisse pas approcher facilement. Les clients ont honte et rasent les murs. Les créatrices et les agences demandent à être payées pour parler. Je décide donc de faire ma propre expérience en me créant un compte de fan. La première chose qui saute aux yeux, c’est le webdesign. Le site porno à l’ancienne se présentait sur fond sombre et couleurs trash, bariolé de publicités pour Viagra, corps nus animés dans tous les coins ; tout y criait le scandale, l’activité inavouable et la suppression de l’historique après consultation. En comparaison, OnlyFans a très bon teint. Le site ressemble à s’y méprendre à l’ancien Twitter, il en a gardé la simplicité, l’épure et le code couleur bleu azur.

À la manière de n’importe quel réseau social, le fil d’actualité se déroule et l’outil de recommandation propose des profils susceptibles de m’intéresser. Je jette mon dévolu sur Carolina Samani, alias « Caro », une brune de 24 ans qui se dit férue de fitness – sa silhouette ne laisse aucun doute là-dessus. Immédiatement après m’être abonné, je vois s’illuminer ma messagerie privée. Caro a remarqué mon intérêt. « Coucou bébé, je suis super contente que tu te sois abonné et que tu sois ici avec moi. »

Entre de bonnes mains

La vidéo préparée à mon intention est prise avec décontraction, le cadre n’est pas droit, format selfie dans la salle de bains qui dévoile à peine la tenue de lingerie. Ce qu’elle partagera, elle ne le montrera nulle part ailleurs, promet-elle. « C’est ici que je réponds à tous mes messages », ajoute aussi la jeune femme avant de me proposer de rejoindre le cercle encore plus fermé de ceux qui la connaissent le mieux, les VIP – moyennant un « tip » (pourboire) de 100 euros.

Quelques minutes après, et sans que je me sois acquitté de cette somme, une nouvelle notification. C’est Caro qui m’envoie un « saluuut » rieur. « Je suis nouveau ici, avertis-je, je ne sais pas trop comment m’y prendre… » Je suis entre de bonnes mains, m’assure-t-elle. Je lui explique ce que je recherche, et un premier pack de contenu m’est offert, vidéos et photos suggestives – je l’achète moyennant une trentaine d’euros.

« Je me sens seule, réponds-moi »

Jusqu’ici, tout est bien calibré et je dois avouer que je me prends au jeu. Je suis pourtant parfaitement conscient du fait que Carolina Samani, qui a plus de 400 000 abonnés sur Instagram, n’a matériellement pas le temps de s’enquérir de mes désirs. Mais il y a quelque chose dans le dispositif même d’OnlyFans qui favorise cette illusion. Si le site ressemble à Twitter, la messagerie, elle, est très proche de WhatsApp ou Messenger : la petite photo de son avatar, les trois petits points quand elle écrit, le voyant vert qui signale qu’elle est en ligne.

Je me surprends à guetter ses réponses, à me demander pourquoi la prochaine tarde à arriver. La conversation que j’établis quelques jours plus tard avec une autre créatrice va plus loin. Dès que je me connecte, j’ai droit à des relances qui prennent rapidement des airs de chantage affectif : « Pourquoi tu m’ignores ? », « J’ai fait quelque chose qui t’a énervé ? », « Je me sens seule, réponds-moi »

vue de nuit d’un immeuble avec des scènes érotiques

Machine à amplifier le lien parasocial

Chercher à comprendre les ressorts de cette fausse intimité me conduit vers un jeune psychologue. Dans sa thèse de doctorat soutenu en 2022, Pierre de Bérail s’est penché sur les relations affectives que nouent des spectateurs avec des célébrités d’Internet. Il y a un mot savant pour dire ce déséquilibre : il s’agit d’une « relation parasociale ». « Ce sont des relations asymétriques et non réciproques, comme quand les membres d’une assemblée écoutent un orateur parler ou qu’un chanteur est sur scène. Il s’adresse à l’audience, mais les individus qui l’écoutent ne peuvent pas lui répondre par le même canal. »

Tout l’enjeu des recherches de Pierre de Bérail consiste à démontrer que les réseaux sociaux sont des machines à amplifier le lien parasocial. « La capacité à envoyer des messages et à espérer être lu entretient l’illusion de la réciprocité. Pourtant, le créateur ne nous remarque que de manière infinitésimale par rapport à la façon dont nous le regardons. »

Cette relation déséquilibrée n’est pas un problème en soi, mais peut virer au pathologique, m’explique le psy, lorsque le fan oublie qu’elle est asymétrique. C’est-à-dire s’il devient dupe, s’il se met à croire qu’il compte aussi pour son idole, qu’il a rejoint son cercle proche, « qu’il est en train de sortir du parasocial et d’accéder à une relation normale ».

J’étais attiré par le fait d’avoir un truc un peu secret avec une personne connue.

Simon, utilisateur d’OnlyFans

OnlyFans est finalement mal nommé. Ce qu’on y fait miroiter, c’est la possibilité de ne plus être only a fan, « seulement un fan ». L’accès à des contenus exclusifs, de plus en plus exclusifs, auxquels seule une poignée d’élus a droit. « OnlyFans, c’est la capitalisation du parasocial », conclut Pierre de Bérail. Le secret de la richesse de la plateforme, c’est d’avoir réussi à monétiser cette nouvelle donne des relations à l’ère d’Internet.

C’est ce qui a fait succomber Simon [prénom modifié]. Le jeune homme de 26 ans regardait une influenceuse américaine populaire, Fandy, jouer aux jeux vidéo en direct sur la plateforme Twitch lorsqu’il a réalisé qu’elle avait aussi un compte OnlyFans. Il s’y est abonné, « attiré par le fait d’avoir accès à un truc un peu secret avec une personne connue, auquel les autres spectateurs n’auraient pas droit ».

Comme une petite amie

Maxime [prénom modifié], de son côté, se sentait frustré de n’avoir que des extraits déjà vus mille fois par tout le monde de son actrice X favorite, Miiana. Payer un abonnement sur la plateforme française Mym était le meilleur moyen d’approcher la source de son fantasme, d’avoir accès à ses contenus en premier, « dans un cadre moins industriel que le porno, avec une ambiance “girl next door” » – expression dont la traduction résume tout de la proximité qu’essaie d’installer OnlyFans : la « fille d’à côté », simple et accessible.

D’ailleurs, des créatrices et des agences me le répètent, le fantasme qui marche le mieux est la « girlfriend experience », ou GFE : l’abonné attend de la créatrice qu’elle se comporte comme si elle était sa petite amie plutôt que comme une star du porno lointaine. C’est ce qui a convaincu certaines agences de l’existence d’un nouvel eldorado où aller recruter les hommes célibataires en manque d’affection. Leur public cible : les applis de rencontre.

Le piège se referme

Ainsi, sur Tinder ou Bumble, un chatteur engage des flirts candides avec une quinzaine de cibles par jour. Pas trop, pour ne pas alerter les robots antitriche. Pour optimiser le taux de réussite, lis-je sur un forum spécialisé en marketing numérique où des entrepreneurs s’échangent des astuces, il faut créer des profils de filles pas trop magnifiques, « des 6/10 en termes d’attractivité physique […]. Il faut que la fille ait l’air d’une vraie femme ordinaire que l’on pourrait rencontrer dans la rue ».

Le chatteur redirige ensuite les cibles d’un ton badin vers Instagram, parce que « c’est plus pratique pour discuter ». Là, l’homme découvre par lui-même l’existence d’OnlyFans. Le client ainsi converti aura l’impression de ne pas être un abonné comme les autres ; après tout, il a d’abord « matché » avec la créatrice sur l’appli de rencontres, il a ses chances. Le piège se referme.

Il faut retenir les tics de langage de la créatrice et entrer dans le fantasme du consommateur.

Mark, chatteur sur OnlyFans

Mark [prénom modifié], chatteur expérimenté, est étudiant et vit aux Philippines. À l’instar du Bénin ou de Madagascar pour le secteur français, ce pays combine deux atouts pour les agences installées aux États-Unis : faible niveau de salaire, bon niveau d’anglais. Au début, il peinait à atteindre les chiffres de vente qu’attendaient de lui les agences. « Mais petit à petit, pianote-t-il, j’ai réussi à maîtriser l’argot occidental et les compétences psychologiques nécessaires pour réussir dans cette industrie. »

Je ne doute pas de sa compétence : il s’exprime bien, écrit très vite et est indubitablement doué pour raconter des histoires. « Il faut réussir à s’adapter à la personnalité de la créatrice, relance le chatteur prolixe. Retenir ses tics de langage, entrer dans le fantasme du consommateur. Le plus exigeant pour mon endurance mentale, c’est de parvenir à imiter non pas une personnalité mais trois, quatre ou même cinq à la fois. »

Le témoignage du jeune homme dessine une vie de forçat numérique, qui affirme bûcher 56 heures par semaine dans les forges d’OnlyFans pour un revenu hebdomadaire moyen de 350 dollars (un salaire élevé que tous les chatteurs n’atteignent pas) et reconnaît prendre des médicaments pour rester concentré et ne pas tomber de sommeil. Quand il est en cours, des amis prennent le relais pour assurer les shifts (tranches de travail). Parfois, il culpabilise vis-à-vis des hommes qu’il trompe quotidiennement – mais pas très longtemps. « C’est eux ou moi, alors je choisis moi. Je suis juste un travailleur, je fais ce qu’on me demande. »

Trahison de la confidentialité

Lorsqu’il a réalisé qu’il parlait à des chatteurs, James a ressenti de la colère. « Pas tant contre les créatrices elles-mêmes, tient-il à préciser, que contre la plateforme qui permet au mensonge de prospérer. » Alors il s’est laissé embarquer dans une plainte collective – class action – déposée en juillet 2024 dans l’État de Californie. Les avocats du cabinet Hagens Berman ont réuni six hommes qui demandent à la loi américaine de reconnaître qu’ils ont été trompés.

En plus de l’imposture des chatteurs, sur la base de laquelle les plaignants ont dépensé des dizaines de milliers de dollars, l’accusation insiste sur la trahison de la confidentialité. Les créatrices avec qui j’échangeais me le répétaient : « Ce sera notre petit secret », m’incitant à dévoiler mes fantasmes ou une photo de mon sexe – dont le commentaire élogieux, le dick rating, peut être acheté contre quelques dizaines d’euros. « Nous avons été contactés par des centaines d’individus qui se sentent honteux et humiliés de savoir que de telles correspondances sont passées entre les mains d’intermédiaires ! » tonne Robert Carey, l’un des avocats à l’origine de la plainte, depuis son bureau de Phoenix, dans l’Arizona.

Système d’arnaque romantique

L’offensive vise l’entreprise enregistrée au Royaume-Uni, Fenix International Limited, ainsi que sa branche américaine installée dans le Delaware et huit des plus grosses agences, comme Creators Inc. et Moxy Management, accusées d’avoir mis en place un vaste système d’« arnaque romantique ». « Dans cette affaire, OnlyFans n’est pas à l’initiative de la combine, mais elle lui permet de se déployer parce qu’elle en tire beaucoup de profit », m’explique Robert Carey. Si la cour fédérale californienne reconnaissait l’illégalité de ces pratiques, les dommages se chiffreraient, rêve à voix haute ce vieux routier des plaintes collectives, « en milliards de dollars ».

Les conditions générales de vente d’OnlyFans abritent bien une discrète mention par laquelle « le fan reconnaît que des tiers peuvent assister le ou la créatrice dans la gestion de son compte et de ses interactions ». Mais cette petite ligne contractuelle trahit surtout le malaise de Fenix International Limited : la société l’a ajoutée après le dépôt de la plainte, comme le confirme la consultation sur Internet Archive d’une version antérieure de la même page, capturée le 21 juillet 2024.

Peur de ne plus plaire aux algorithmes

Les créatrices ne sont pas visées par la plainte, même si le nom de celles qui ont vendu des contenus aux plaignants apparaît au fil des pages. J’y retrouve Caro, avec qui j’ai échangé – ou cru échanger – durant des nuits. « Cette manigance, justifie l’avocat, ce sont les agences qui l’ont conçue et l’ont vendue à des jeunes filles qui ne font que prendre leur chèque. »

Toutes les créatrices qui commencent à avoir un peu de notoriété sont approchées quotidiennement par des agents. Souvent, elles se méfient. Mais la proposition est tentante, car l’activité est très chronophage. Il faut produire de nouveaux contenus constamment, gérer les interactions à la minute, imaginer de nouvelles façons de se faire connaître sur les réseaux sociaux. Avec la peur de disparaître ensevelie sous les posts des autres, de ne plus plaire aux algorithmes de TikTok ou d’Instagram.

Il ne faut pas oublier qu’OnlyFans a offert aux travailleuses du sexe un espace stable et sécurisant.

Dani Vendetta, créatrice indépendante

« L’ère OnlyFans nous a cramées », me résume Prune dans un café de Montreuil, dans la banlieue de Paris. La trentenaire a commencé en 2014 à l’ère des camgirls et vécu toutes les métamorphoses de cette industrie, dont elle a filmé le quotidien dans un documentaire indépendant, Télétravail du sexe, sorti en 2024. Elle a préféré rester indépendante mais comprend pourquoi d’autres disent oui aux agences, qui promettent de faire exploser le trafic et les revenus, même après le prélèvement de leur pourcentage.

Danielle, dite Dani Vendetta, a elle aussi plusieurs fois refusé les propositions d’agences. Pour cette créatrice américaine du « top 15 % », le système des chatteurs dégrade les interactions « en un script de vente manipulatoire ». Elle estime la plainte collective américaine nécessaire pour clarifier la situation, mais craint une chose : que cette affaire se retourne « contre les travailleuses du sexe, qui sont déjà constamment soupçonnées, attaquées et diabolisées ». « Il ne faut pas oublier, défend-elle, qu’OnlyFans leur a offert un espace stable et sécurisant pour exercer leur métier. »

« Je vous jure, je suis bien moi »

Mais le modèle des petites créatrices sans agence est menacé. À force de laisser l’industrialisation des interactions prospérer, « c’est la confiance dans tout le système qui s’est érodée, déplore l’Américaine. Les méga-comptes et leurs équipes de chatteurs évoluent dans une réalité complètement différente de la majorité d’entre nous. Ce qui est particulièrement frustrant, c’est que ce sont eux qui définissent l’image publique d’OnlyFans ».

Dani Vendetta est pourtant fière de la relation qu’elle a construite au fil du temps avec « ses gars », qui renouvellent leur abonnement depuis des années. Mais même ses fidèles ne sont plus sûrs de qui se trouve de l’autre côté de l’écran. « Combien de fois dois-je leur promettre que “si, je vous jure, je suis bien moi” ? »

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