Une bière et une flatterie

Une bière et une flatterie
Les journalistes Olivier Liffran et Joan Tilouine, auteurs de notre récit « De mystérieux instructeurs au secours de l’État congolais » et fins connaisseurs du pays, racontent les méandres qui les ont menés au chef des instructeurs.
Publié le 08 avril 2024

Comme chaque week-end, la jeunesse dorée se presse dans les clubs et bars sélects de Kinshasa. Des fils et filles à papa capables de se délester en une nuit du salaire annuel d’un petit fonctionnaire. La guerre contre les rebelles du M23 paraît bien loin, vue d’ici. L’élite kinoise s’attarde rarement sur la situation dans l’est de la République démocratique du Congo. La guerre pour eux est un état de fait. La paix, une exception.

Pour le clubbeur friqué comme pour le journaliste de passage, appréhender cette réalité, c’est se confronter à l’insondable. Nous connaissons bien l’histoire congolaise, ses tourments, sa complexité. Il faut pourtant faire violence à l’esprit pour passer du kaléidoscope des nuits de la capitale à la lente file des déplacés de Sake, localité déglinguée à une vingtaine de kilomètres de la capitale provinciale du Nord-Kivu, Goma.

Une ivresse violente

Nous nous y sommes rendus au petit matin, conscients du risque : les « wazalendo », les groupes armés sur lesquels s’appuie Kinshasa pour combattre le M23, ont tendance à sombrer dans une ivresse violente dès les premières heures du jour.

D’un bord ou l’autre, au Congo, il est facile de faire parler les belligérants. Un ton badin, une flatterie bien placée, des bières partagées amènent souvent des confidences. La rationalité de cette guerre demeure obscure, même pour ceux qui la font. À l’image de ces Blancs surarmés, pour la plupart des Roumains embauchés par le pouvoir de Kinshasa pour servir d’instructeurs, qui ont débarqué au Nord-Kivu depuis 2022. D’un abord peu avenant, ils se laissent plus facilement approcher quand on est introduit par quelques contacts. Une fois cette barrière franchie, alors certains se prêtent au jeu, presque heureux de se dévoiler un peu, et de confesser qu’eux non plus ne comprennent pas très bien ce conflit auquel ils prennent pourtant part.

La sélection de la rédaction
Des pilules et des hommes
Des pilules et des hommes
Le photographe Gabriele Galimberti raconte les différences mondiales à travers des portraits de famille et leur pharmacie déballée.
Entre labos et assos de patients, des liaisons dangereuses
Entre labos et assos de patients, des liaisons dangereuses
Grâce à une base de données inédite, « XXI » dresse le palmarès des cinq associations de patients les plus financées par Big Pharma.
« Mon association n’est financée par aucun labo »
« Mon association n’est financée par aucun labo »
Rencontre avec Marine Martin, lanceuse d’alerte et engagée dans la lutte contre le manque de transparence des médicaments.
De parfaits traducteurs
De parfaits traducteurs
Deux « petits geeks » en quête de vérité décortiquent les données d’une santé financée par l’industrie pharmaceutique.