Enfant, pour se rendre dans le centre-ville d’Alexandrie depuis sa banlieue, Mohamed Mahdy devait traverser El-Max. Il a appris à connaître ce petit quartier de pêcheurs organisé autour du fin canal de Mahmoudiya, situé au seuil occidental de la deuxième ville la plus peuplée d’Égypte. Séduit par « le charme des couleurs », entre maisons rouges et bateaux turquoise, le photographe en herbe y revenait souvent pour apprendre à utiliser son appareil photo.
En 2016, il a vingt ans lorsqu’il entend parler de la destruction annoncée de l’essentiel des maisons historiques d’El-Max. Il décide alors de photographier tout ce qu’il peut : les gens, les maisons, leurs histoires, « afin de documenter ce qui s’apprêtait à disparaître ». Qu’est-ce que cela faisait à ces visages familiers, s’est demandé le photographe alexandrin quatre années durant, d’attendre que des bulldozers viennent rouler sur leurs souvenirs, leur foyer et leur identité de pêcheurs ?
Donner la parole aux habitants
Progressivement, son projet a été de donner la parole aux habitants en leur demandant d’écrire une lettre d’adieu à El-Max, « à la façon, relate Mohamed Mahdy, des mythiques bouteilles à la mer que jetaient les marins dans l’espoir que quelqu’un les retrouve. »
La bouteille a pris la forme d’un site internet interactif où les prises de vue du photographe se mêlent à des archives et des lectures à haute voix des lettres des habitants. C’est la complainte d’une femme d’El-Max relogée par l’État dans un appartement impersonnel, « Here, doors don’t know me » (« Ici, les portes ne me reconnaissent pas »), qui lui a inspiré le titre de son récit. Cette narration multimédia a reçu le prix Open Format du célèbre World Press Photo 2023 et a suscité, en retour, un élan de compassion internationale. « Nous avons reçu des milliers de lettres de personnes, à travers le monde, s’émeut le photographe, ce qui prouve qu’au fond, le drame des habitants d’El-Max nous renvoie tous au même besoin, à la fois simple et universel : avoir un foyer. »
Martin Dumas Primbault, auteur de l’article « Pour tout l’or du canal » s’est rendu à El-Max dans le cadre d’un reportage pour le podcast Un jour dans le monde sur France Inter.